Né à Lille l’écrivain et historien Alain Decaux est mort (VIDEO)
L’écrivain Alain Decaux, qui a incarné pendant près de 50 ans l’histoire à la radio et à la télévision, est décédé dimanche à l’Hôpital Georges-Pompidou à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé à son épouse, Micheline Pelletier-Decaux.
Élu à l’Académie française en 1979, ministre de la Francophonie du gouvernement Rocard (1988-1991), ce grand conteur et vulgarisateur a créé et animé plusieurs émissions devenues cultes
Des émissions cultes
En 1951, il crée « La tribune de l’histoire » à la radio (diffusée de 1951 à 1997). En 1956, c’est le tour de la télévision avec « La caméra explore le temps » (avec Stellio Lorenzi et son complice André Castelot), qui ne s’arrêtera que dix ans plus tard.
De 1969 à 1987, dans « Alain Decaux raconte », «Alain Decaux face à l’histoire», puis «Le dossier Alain Decaux», il occupe le petit écran chaque mois pendant une heure, traitant d’un personnage ou d’un événement historique.
Né à Lille
Né le 23 juillet 1925 à Lille, ce fils d’avocat a étudié le droit à Paris et suivi des cours d’histoire à la Sorbonne, sans se soucier d’obtenir un diplôme. Il publie son premier livre, «Louis XVII retrouvé», en 1947 et est couronné par l’Académie française, trois ans plus tard, pour son second ouvrage, «Letizia».
En 1960, il fonde la revue Histoire pour tous, et va collaborer à de nombreux journaux et revues. Dialoguiste du film «Les misérables» (1982) de Robert Hossein, avec qui il aura une intense collaboration artistique, il est aussi biographe de Victor Hugo et admirateur d’Alexandre Dumas, à qui il consacre en 2010 un «Dictionnaire amoureux», et de Sacha Guitry, dont il était l’ami intime.
On lui doit aussi «Alain Decaux raconte la Bible aux enfants», «C’était le XXe siècle» (en quatre volumes), «Le Tapis rouge», sur son expérience ministérielle, ou au théâtre, «N’ayez pas peur» sur le pape Jean Paul II.
Alain Decaux a été en 1973 le premier président, élu au titre de la télévision, de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. En 1989, il a été nommé coordonnateur de la politique télévisuelle extérieure française. Depuis 1999, il existe un prix Alain Decaux de la francophonie.
Marié deux fois, père de trois enfants, il a été élevé en 2014 à la dignité de grand’croix de la Légion d’honneur.
Authentique lillois
Alain Decaux est un authentique Lillois. Il est né dans l’appartement de ses parents, rue Inkermann, entre préfecture et palais des Beaux-Arts, mais c’est dans la maison de ses grands-parents maternels, à Wattignies, qu’il passe ses premières années. Les médecins ayant diagnostiqué une tuberculose chez son père, il fallait éloigner les trois enfants. C’est ainsi qu’avec ses deux petits frères, des jumeaux, il se retrouve à Wattignies, à l’époque un gros village environné de champs. « Dans le jardin, où j’ai découvert la nature, j’ai vu grandir les tomates et les petits pois, j’ai connu les moissons, tous mes copains étaient des paysans. Quand nous sommes revenus à Lille, l’appartement nous a semblé bien petit ! »
Mais plus que l’apprentissage d’un imaginaire qui, sans doute, sera essentiel pour le futur historien, c’est une admiration sans bornes que vouera Alain Decaux à ses grands-parents : « À un âge où ils pouvaient tranquillement s’occuper d’eux après avoir élevé leurs trois enfants, ils ont accueilli leurs trois petits-enfants. Ce sont des héros ! C’est le Nord visible dans ma famille.
»
Cinquante ans plus tard, Alain Decaux retrouvera, sur les bancs de l’Académie française, un autre petit camarade qu’il avait côtoyé quelques années durant dans la cour de l’école communale de Wattignies : le cardinal Albert Decourtray, archevêque de Lyon (1923 – 1994).
La Bretagne, puis Paris
À la déclaration de guerre de 1939, tout va basculer. Cet été-là ne se passe pas sur les plages de Saint-Idesbald, Ostende ou Nieuport comme d’habitude, mais en Bretagne, à Saint-Quay-Portrieux (Côtes-du-Nord, à l’époque), où se replie la famille, anticipant de quelques mois seulement l’exode qui sera celui de millions de Français en mai et juin 1940.
Entretemps, le père d’Alain Decaux, avocat au barreau de Lille, a réservé une drôle de surprise : « Ancien combattant de 14-18, il a décidé de s’engager, à l’âge de 50 ans, alors qu’il avait trois jeunes enfants. » Ce seront, ensuite, de longs mois incertains, avec la séparation « alors que se déroulaient des événements extraordinaires : l’invasion, la retraite sur Dunkerque, la défaite ».
À la fin de 1940, monsieur Decaux père retrouve les siens. Mais les conditions de déplacement, dans une France occupée, coupée en deux, sont devenues passablement difficiles. Revenir à Lille, zone interdite, était périlleux ; rester en Bretagne, pas vraiment envisageable. « Dans la capitale, mon père avait pas mal de connaissances, nous racontait-il en 2009. On lui déconseilla de s’inscrire au barreau comme avocat : par contre, il y avait quelques places d’administrateur judiciaire disponibles. C’est ainsi que je suis devenu parisien. Je me suis inscrit au lycée Jeanson-de-Sailly où iront plus tard mes enfants.Je devais faire mon droit, me disaient les parents, mais déjà, l’histoire me taraudait.»