Leforest, les terres polluées par Metaleurop au c’ur d’un vaste plan d’action
Metaleurop a fermé en 2003.
Pourquoi autant de temps écoulé avant la mise en place de ce plan
Antoine Lebel : « Il ne s’est pas rien passé depuis 2003. Il y a eu beaucoup d’expérimentations, de réflexions. Ce qui change depuis deux ans, c’est qu’on est vraiment sur un projet de territoire alliant la sécurité des populations et des productions qui en sont issues, l’économie des exploitations agricoles pour avoir un vrai projet viable et pérenne. Et puis un enjeu de dynamique qui dépasse le seul champ agricole. C’est un nouveau projet assez innovant, performant sur les aspects économiques et environnementaux pour la région. »
Quel est le préjudice pour les agriculteurs concernés
Jean-Bernard Bayard : « On ne sait pas le mesurer comme ça dans la masse, il faut regarder au niveau des exploitations. On a déjà eu une reconversion des exploitants qui, sur des productions au niveau de la vente directe avaient retiré de la terre (polluée) et ramené de la bonne terre. Ils ont changé pour ne pas subir cette pollution. »
Est-ce possible sur des grandes surfaces
J.-B. Bayard : « Non. Donc c’est comme ça qu’une prise de conscience s’est effectuée, et qu’on est parti sur une reconversion au niveau du territoire. Il va de soi qu’en termes d’activité pour les agriculteurs, si les produits ne peuvent pas entrer dans un circuit traditionnel, ça a une perte de valeur. »
Quelles filières non-alimentaires sont envisagées
A. Lebel : « On a une ambition partagée État, professions, collectivités , sur un premier sujet à grande échelle qui est la méthanisation. À côté de ça, on regarde tous les projets plus petits qui peuvent être des compléments : en termes d’assolement mais aussi des débouchés plus locaux avec les communes : chaufferie, paillage. »
J.-B. Bayard : « Quelles que soient les issues, on est bien dans une approche contractuelle. On ne veut pas rentrer dans une production si on n’est pas assuré des débouchés. »
*Direction régionale de l’agriculture et de la forêt.
Le projet méthanisation en bonne voie
Metaleurop c’est du passé, mais pour les habitants comme pour les exploitants agricoles des alentours, les effets douloureux de sa pollution se font encore sentir. Bonne nouvelle, les pouvoirs publics sont enfin décidés à les accompagner.
Pour les habitants vivant dans le périmètres du PIG, des mesures de prise et charge des terres polluées ont été prises. En ce qui concerne les 34 exploitants agricoles concernés, un plan d’action a été mis en place visant à trouver des débouchés aux productions. Il en est sorti un projet de méthanisation, en partenariat avec GrDF. Le biogaz proviendrait de toutes les cultures de la zone (734 hectares). «
Là, on est dans une étude de faisabilité assez longue pour qu’on soit bien clair sur ce qu’on met dans le méthaniseur : quel coût et quelle rentabilité pour les exploitants
», indique Antoine Lebel, directeur adjoint de la DRAF Nord Pas-de-Calais Picardie. C’est elle qui pilote le projet au côté de la chambre régionale d’agriculture.
Les collectivités territoriales les ont rejointes. En marge de ce grand projet, d’autres filières non alimentaires sont en réflexion. Voici une quinzaine, un groupe de travail a été réuni à Leforest, impliquant services de l’Etat, exploitants, collectivités mais aussi des ingénieurs, des industriels du textile. Toutes les idées sont sur la table, «
on ne s’interdit rien
», explique Antoine Lebel.
Et si on se chauffait avec de l’herbe à éléphant’
Le miscanthus gigantus dit « herbe à éléphant ». En 2008, on souriait en prononçant ce surnom qui avait plus à voir avec la savane africaine qu’avec les champs du Pas-de-Calais. Sa culture, testée sur 6 hectares, a été la première alternative envisagée pour trouver un débouché aux productions agricoles issues des terres polluées aux métaux lourds (plomb et cadmium). A l’époque, on craignait que l’espèce ne soit invasive. Avec le temps, l’herbe à éléphant a fait ses preuves. Elle fixe la pollution dans ses racines, produit beaucoup de biomasse, ne nécessite pas de désherbage. Et elle ne colonise pas les parcelles voisines.
Et elle a trouvé ses premiers débouchés : il y a deux semaines, 3,4tonnes de miscanthus séché ont quitté l’exploitation de Romain Vion, agriculteur à Auby, pour le Village d’enfants de Riaumont pour alimenter la nouvelle chaufferie biomasse. Une expérimentation suivie de près par la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt qui aimerait voir des collectivités emboîter le pas.
Par rapport au bois qui a servi de premier combustible, le miscanthus «
est moins dense, se consomme plus rapidement, c’est pourquoi il faut alimenter le silo plus souvent
», explique un agent de la DRAF. D’où l’intérêt d’une proximité entre le livreur et le client. «
Moins humide que le bois, il en faut moins de volume pour apporter la même énergie
». Il revient à 100-120 euros la tonne (100 pour le bois). Bois ou miscanthus, la facture est de toute façon fortement réduite : «
Pour chauffer cinq bâtiments on dépensait 8 500 euros de gaz en deux mois, on est passé à 2200 euros par mois
», précise un des religieux gérant le Village.