Le projet de loi travail arrive au Parlement , encore des évolutions en vue (INFOGRAPHIE)
Ce qui a été retiré
‘ Plafonnement des indemnités prud’homales : la première version prévoyait de plafonner les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Le plafond augmentait selon l’ancienneté du salarié, jusqu’à 15 mois de salaire à partir de 20 ans d’ancienneté.
Les syndicats réformistes, CFDT en tête, en avaient fait un casus belli et ont obtenu son retrait au profit d’un barème indicatif. Mais le patronat, en particulier les petites entreprises, insiste pour la réintroduction du plafonnement, qui donnerait, selon lui, de la « visibilité » pour embaucher.
‘ Forfait jour dans les PME : le texte initial autorisait l’employeur à décider seul dans les entreprises de moins de 50 salariés pour le forfait-jour ou les astreintes. Cette possibilité a disparu, au grand dam de la CGPME, qui se sent laissée pour compte d’une « réforme ratée ».
‘ Temps de travail des apprentis mineurs : le gouvernement avait permis, notamment dans le bâtiment, de faire travailler un apprenti mineur jusqu’à 10 heures par jour (au lieu de 8) et 40 heures par semaine (au lieu de 35), sur simple déclaration à l’inspection du travail. Les organisations de jeunesse se sont particulièrement mobilisées contre cette mesure. Une autorisation préalable de l’inspection du travail sera finalement nécessaire, comme dans le droit actuel.
Ce qui sera encore discuté
‘ Licenciement économique : le texte précise les motifs de licenciement économique : quatre trimestres consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, deux trimestres consécutifs de pertes d’exploitation’
Les difficultés d’un groupe seront évaluées sur ses seules filiales françaises, mais le gouvernement a fait un pas en prévoyant que le juge devra vérifier que l’entreprise ne les organise pas « artificiellement » pour licencier. Ce point continue d’inquiéter les syndicats qui demandent des dispositions plus précises. Le député PS Christophe Sirugue, rapporteur du texte, a promis des amendements.
‘ Référendum d’entreprise : un accord d’entreprise devra être « majoritaire » c’est-à-dire signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés aux élections professionnelles. Faute de majorité, les syndicats minoritaires (plus de 30 %) pourront demander un référendum d’entreprise pour valider l’accord.
L’Unsa réclame le retrait de cet article, estimant que les référendums risquent de « cliver les salariés ».
‘ Les mesures sur le temps de travail : la primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée de travail devient un principe. Cette « inversion de la hiérarchie des normes » est dénoncée par les syndicats contestataires et une partie de la gauche.
Parmi les modifications, une journée de travail de 12 heures maximum (contre 10) reste possible, mais les critères sont précisés. La possibilité de passer à une moyenne hebdomadaire de travail de 46 heures (au lieu de 44) sur 12 semaines est assouplie.
Un accord d’entreprise pourra fixer le taux de majoration des heures supplémentaires à 10 % au lieu des 25 % généralement pratiqués. Toutefois, en l’absence d’accord, le droit actuel s’appliquera alors que le gouvernement prévoyait d’instaurer un droit supplétif moins favorable que le droit actuel pour inciter à la négociation.
Ce qui fait relativement consensus
‘ Compte personnel d’activité (CPA) : il regroupera, à partir de 2017, le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité (C3P) et un nouveau « compte engagement citoyen ».
Les jeunes décrocheurs auront droit à un abondement de leur CPF pour acquérir une première qualification et les salariés non-diplômés pourront cumuler jusqu’à 400 heures de formation sur 10 ans pour acquérir des qualifications (au lieu de 150).
Le « compte engagement citoyen » permettra d’acquérir des heures de formation récompensant bénévolat ou volontariat.
‘ Garantie jeunes : Ce droit, destiné aux jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation, sera généralisé dès 2017. La garantie jeunes est un accompagnement renforcé vers l’emploi assorti d’une allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an.
‘ Déconnexion : à partir de 2018, un « droit à la déconnexion » devra être négocié dans les entreprises.
‘ Renforcement de la lutte contre le détachement illégal de salariés. La CFDT souhaite que l’agriculture soit concernée aussi.
Un mois et demi de remous autour de la loi travail (CHRONOLOGIE)
Depuis la première version du projet de loi travail jusqu’à son passage en Conseil des ministres, voici les principales dates du débat.
17 février : destiné à améliorer la compétitivité et l’emploi, le projet est transmis au Conseil d’État pour avis, avant une présentation en Conseil des ministres prévue le 9 mars.
Signé de la ministre du Travail Myriam El Khomri, ce texte instaure la primauté des accords d’entreprise en matière de temps de travail, un plafonnement des indemnités prud’homales, précise les conditions de licenciement économique. Il réaffirme trois principes : les 35 heures, le Smic et le CDI.
Le Medef est plutôt satisfait, le PS embarrassé, les « frondeurs » de la majorité en colère. Tous les syndicats dénoncent le plafonnement des indemnités prud’homales et le volet sur le licenciement économique.
19 février : François Hollande assure que «
les salariés français ne verront aucun de leurs droits remis en cause
».
Lancement d’une pétition en ligne, « Loi Travail : non merci ! », qui recueillera plus d’un million de signatures. Le gouvernement crée un compte Twitter @LoiTravail.
23 février : à l’issue d’une intersyndicale, neuf organisations appellent au retrait de la barémisation des indemnités prud’homales. FO n’a pas signé le texte commun, estimant le projet «
pas amendable
».
28 février : le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger appelle le gouvernement à «
reporter
» le projet. Le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis demande qu’il soit «
rééquilibré
».
29 février : le Premier ministre Manuel Valls annonce le report d’une «
quinzaine de jours
» du passage du texte en Conseil des ministres afin de le «
retravailler
» avec les partenaires sociaux.
1er mars : des organisations de jeunesse dont l’Unef et des syndicats appellent à manifester le 9 mars pour réclamer le retrait du projet. Deux jours plus tard, sept syndicats, dont la CGT, FO et Solidaires appellent à une journée de manifestations et de grèves le 31 mars.
7-8 mars : consultations des syndicats et du patronat à Matignon. La CFTC note «
des ouvertures
», FO et CGT réclament toujours le retrait pur et simple.
9 mars : plus de 220 000 manifestants à Paris et en régions.
10 mars : François Hollande déclare qu’il y aura «
forcément
» des «
corrections à établir
» dans le texte.
11 mars : Manuel Valls promet un «
compromis dynamique et ambitieux
» après avoir reçu les organisations de jeunesse.
14 mars : Présentation de la version 2 du projet de loi. Le Premier ministre a reculé sur les articles les plus contestés, dont le barème des indemnités prud’homales. L’initiative est saluée par les syndicats dits « réformistes » mais décriée par le patronat. CGT, FO et Unef maintiennent leurs appels à manifester.
17 mars : environ 69 000 jeunes manifestent, une mobilisation qualifiée de « réussite » par l’Unef mais émaillée d’incidents.
22 mars : sept organisations patronales, dont le Medef, la CGPME et la FNSEA, lancent un appel au gouvernement, affirmant que le projet n’est «
pas acceptable en l’état
».
24 mars : présentation du projet en Conseil des ministres alors que sept syndicats et organisations de jeunes (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) réclament toujours son retrait avec des défilés (43 000 manifestants) marqués par des violences. La prochaine journée est prévue le 31 mars.