La visite de Manuel Valls en Algérie boycottée par plusieurs médias français
Samedi en fin de journée, Manuel Valls s’envolera pour l’Algérie, accompagné de plusieurs ministres. 24 heures de séjour avec au menu des accords économiques que Matignon espère voir finalisés au cours du week-end, et toute la presse pour couvrir le déplacement. Toute non, plusieurs médias français ne feront pas le déplacement, contraints et forcés par les autorités algériennes (Le Monde, le Petit Journal) ou de leur plein gré en signe de solidarité (Libération, le Figaro, France Culture, France Inter). Retour sur les épisodes d’un bras de fer entre l’Algérie et les médias français.
Mardi 5 avril : « Le Monde » provoque la colère des autorités algériennes
La principale actualité de la semaine c’est bien entendu l’affaire des « Panama Papers ». Le journal Le Monde, qui a travaillé sur le dossier depuis le début, publie chaque jour depuis lundi des nouvelles révélations. Mardi dernier, le journal faisait le point sur les chefs d’Etat épinglés par le scandale. En une on trouve Vladimir Poutine, Bachar el-Assad, Mohammed VI, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson (le premier ministre islandais), et Abdelaziz Bouteflika… Bouteflika Vraiment Cette une n’a pas plu du tout aux autorités algériennes, d’autant plus que le nom du président algérien n’apparaît en fait pas dans les « Panama Papers ». Le Monde s’est d’ailleurs ravisé peu après. Celui qui est impliqué, c’est le ministre de l’industrie algérien Abdesselam Bouchouareb.
Selon les révélations du quotidien, ce dernier a détenu une société établie au Panama, Royal Arrival Corp, créée en avril 2015 à travers les services d’une société de domiciliation d’entreprises offshore. Elle avait pour mission « la gestion d’un portefeuille de valeurs immobilières d’un montant de 700 000 euros, détenu actuellement à titre personnel » par le ministre. Pour sa défense, une société de gestion luxembourgeoise a affirmé que cette structure n’avait jamais été « active ».
Mercredi 6 avril : « Le Monde » black-listé
Qu’importe qu’un membre du gouvernement soit bel et bien concerné par le scandale, l’attaque envers Bouteflika ne passe pas. Le lendemain, mercredi, l’ambassadeur de France est convoqué par le ministre des affaires étrangères algérien pour se faire passer un savon. Le ministre dénonce une « campagne hostile » menée par les médias français. Le même jour, les autorités françaises sont informées de l’intention d’Alger de ne pas accorder des visas à deux médias français (sur la vingtaine accrédités) pour le déplacement de Manuel Valls. Deux médias Il y a bien sûr Le Monde à qui Alger n’est pas prêt de pardonner sa Une de la veille, mais qui est le deuxième
« Le Petit Journal » de Canal+ et l’Algérie : une longue histoire de désamour
Le deuxième média qui ne recevra pas visa pour le déplacement de Manuel Valls, c’est Le Petit Journal, l’émission satirique de Canal+. Rien à voir cette fois avec les « Panama Papers », l’émission a juste pris l’habitude de se moquer de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika, et ça non plus ça ne passe pas pour l’Algérie.
Manuel Valls à la rescousse
Selon Matignon, Manuel Valls aurait alors appelé son homologue algérien Abdelmalek Sellal pour le faire revenir sur sa décision. En vain. « Il a plaidé (pour) que l’ensemble de la délégation de presse qui accompagne le Premier ministre puisse bénéficier de l’autorisation de rentrer » en Algérie, selon l’entourage du Premier ministre. Même s’il s’agit d’une « décision de souveraineté » d’Alger, Manuel Valls a souligné que celle-ci pourrait avoir des « effets contre-productifs sur la réaction des médias français ».
Dans la foulée l’Association de la presse ministérielle s’est « indignée » dans un communiqué et a « demandé instamment aux autorités algériennes de réviser leur jugement contraire aux principes d’une presse libre et indépendante ».
Vendredi 8 avril : boycott collectif
Pour ne pas laisser cette sanction d’Alger sans conséquence, plusieurs rédactions françaises ont décidé qu’elles non plus n’enverraient pas leurs journalistes couvrir le déplacement de Manuel Valls. C’est le cas des journaux Libération et le Figaro, mais aussi, et c’est beaucoup plus rare, des radios publiques France Culture et France Inter. Dans un communiqué commun entre les deux radios et Libération, les rédactions indiquent vouloir par ce geste protester contre ce qu’elles considèrent comme « une entrave à la liberté de la presse ».
Que va-t-il se passer lors de la visite de Manuel Valls
Tout d’abord, le Premier ministre viendra faire ce pourquoi il est venu : signer des accords économiques. En premier lieu un accord pour l’implantation d’une usine PSA à Oran, la deuxième ville du pays, afin de desservir le marché local, qui suivrait un mouvement similaire de son compatriote Renault. L’extension d’une usine de tramways du français Alstom, ouverte l’an dernier, est également en cours de négociation, de même qu’un accord pour l’ouverture d’une usine Air Liquide.
Mais Manuel Valls a également promis d’aborder le sujet avec les autorités algériennes « avec amitié et franchise », dans un tweet où il exprime également ses « profonds regrets ».