Gang de Roubaix , 10 hommes et un niveau de violence déjà stupéfiant
Dans les décombres encore fumants de la maison d’Omar Zémiri, les policiers trouveront quatre cadavres. Ceux d’Amar Djouina, Saad Elaihar, Rachid Souimdi et Nouri Altinkaynak. Les trois premiers sont roubaisiens, le quatrième issu d’une famille turque de Wattrelos. Ils ont entre vingt-cinq et trente ans et se sont rencontrés à la mosquée de la rue Archimède.
À la mi-journée, sur l’autoroute de Gand, à hauteur de Courtrai, la police belge intercepte Christophe Caze et Omar Zémiri, qui avaient pris la fuite en voiture. Le premier est descendu dans l’échange de tirs, le second arrêté après une prise d’otages.
« Si tu veux être utile… »
Les autres sont en fuite. Hocine Bendaoui, 19 ans à l’époque, sera le premier repris, en juillet 1996. Il faudra un peu plus de temps pour localiser et interpeller Lionel Dumont et Mouloud Boughelane, qui ont bénéficié d’un réseau de soutien pour retourner en Bosnie, où ils avaient combattu aux côtés des musulmans cernés entre les Serbes et les Croates, entre 1992 et 1995.
C’est là-bas qu’il faut chercher les racines du gang de Roubaix. Caze y était dès 1992, pendant que Dumont découvrait la crise somalienne dans le cadre de son service militaire. À Roubaix, quand ils se rencontrent, le premier dit au second : « Si tu veux être utile, viens avec moi. » La quasi totalité des membres du gang y passeront d’ailleurs. Mais tous ne combattront pas comme ces deux-là et Mouloud Boughelane dans les rangs des moudjahidines. Ils y verront tant de cruauté qu’ils seront « incapables de négocier leur retour à la vie réelle » à la fin du conflit, en décembre 1995, comme disait l’une de leurs avocates, Dominique Sapin.
Molenbeek… déjà
Quand Caze monte une bande de braqueurs dans le but de récolter des fonds « pour la cause », à raison de 80 % pour les musulmans de Bosnie et 20 % pour eux, les neuf autres le suivent progressivement. Mais malgré leurs armes de guerre, les butins sont maigres, quand ils ne doivent pas faire marche arrière, comme à la supérette d’Haubourdin le 3 février ou face au fourgon vide de la Brink’s, le 25 mars, qu’ils attaquent pourtant au lance-roquette.
Ces échecs à répétition sèment la zizanie dans la bande et c’est pour reprendre le contrôle et réaffirmer son autorité que Christophe Caze décide de frapper un grand coup : c’est la tentative d’attentat à Lille. La bombe placée dans une 205 n’explose pas, on évite un drame de justesse, mais c’est bien alors de terrorisme dont il s’agit, malgré les dénégations assez incompréhensibles du ministre de l’Intérieur d’alors, Jean-Louis Debré.
Les liens du groupe et notamment de Christophe Caze avec la mouvance internationale seront vite établis. Dumont et lui étaient en contact avec le trop fameux imam de la mosquée de Finsbury Park, à Londres. Avec le réseau Fateh Kamel, établi au Canada et dont un des membres, Ahmed Ressam, sera interpellé juste avant de commettre un attentat aux états-Unis. Réseau qui sera jugé à Paris en 2001.
Enfin, si Lionel Dumont et Mouloud Boughelane ont réussi à rallier la Bosnie après l’assaut du RAID à Roubaix, c’est avec l’aide d’un autre réseau de passeurs, à Paris, Nice et en Italie. Pendant ce temps, Hocine Bendaoui trouvait de l’aide à Bruxelles et’ Molenbeek, où quatre membres du gang s’étaient d’ailleurs rendus au sulfureux centre culturel islamique aujourd’hui dissout à la veille de la tentative d’attentat à la bombe à Lille.
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