En Turquie la purge s’étend au milieu des affaires

En Turquie la purge s'étend au milieu des affaires

Le Monde
| 10.09.2016 à 07h16
Mis à jour le
10.09.2016 à 11h22
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Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

La Banque centrale de Turquie est-elle dans le collimateur des autorités ‘ Bien qu’épargnée jusqu’ici par les purges engagées après le coup d’Etat manqué du 15 juillet, l’institution est mentionnée dans l’acte d’accusation rédigé contre 73 adeptes de la communauté religieuse de Fethullah Gülen, un imam exilé aux Etats-Unis, désigné comme l’instigateur du soulèvement par Ankara.

Depuis la tentative de coup d’Etat, les autorités ont lancé une purge drastique contre les militaires, les enseignants, les journalistes, les hommes d’affaires, soupçonnés d’appartenir à la communauté, frappée du label « terroriste ». Trente-cinq mille personnes ont été interpellées, 80 000 ont perdu leur emploi, des fonctionnaires surtout. Cent cinquante amiraux et généraux, soit la moitié du haut commandement, ont été arrêtés.

Selon l’agence Bloomberg, l’acte d’accusation des 73 accusés dont aucun n’émarge à la Banque centrale décrit l’institution comme « dominée » par la communauté religieuse.

Premier coup de semonce aux institutions régulatrices, le 19 août

Le procureur justifie cette accusation par le fait qu’une représentation stylisée de la comète de Halley interprétée comme un signe d’allégeance de la banque à la communauté güleniste figure sur des billets imprimés en 2009, au moment où le mouvement Gülen, alors à son zénith, avait réussi à infiltrer la plupart des institutions étatiques, y compris la Banque centrale. Verdict en novembre.

Lors d’un premier coup de semonce aux institutions régulatrices, le 19 août, vingt-neuf inspecteurs de l’agence de régulation du secteur bancaire (BDDK) ont été interpellés. Ils sont soupçonnés d’avoir mené des enquêtes illégales sur les comptabilités de fondations liées à l’Etat pour le compte de la communauté religieuse.

Mais la Banque centrale elle-même n’a jamais été inquiétée. Certes, les relations ont un temps été houleuses avec le président turc. En 2015, Erdem Basci, alors gouverneur, avait subi l’ire présidentielle parce qu’il refusait d’abaisser les taux d’intérêt. Mais depuis son remplacement, en avril 2016, par Murat Cetinkaya, réputé plus souple, l’entente est cordiale, la politique monétaire ayant été assouplie, conformément aux v’ux du Recep Tayyip Erdogan.

« Pas de pitié »

Pour l’heure, la priorité du gouvernement est d’assécher les financements du réseau Gülen. « Pas de pitié », avait déclaré M. Erdogan le 4 août, promettant d’éradiquer les entreprises, écoles, associations liées à la communauté, « des nids de terroristes » selon lui. Interpellations, perquisitions, confiscations de biens, l’épuration des milieux d’affaires se poursuit. Tüskon, la Confédération des industriels et hommes d’affaires, forte de 55 000 membres, est ainsi accusée d’avoir financé le réseau. Objet d’un mandat d’arrêt, son président, Rizanur Meral, est en fuite et ses biens ont été confisqués.

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Confiscations

Jeudi 8 septembre, seize hommes d’affaires ont été inculpés. Parmi eux figure Faruk Güllü, le « roi du baklava », qui dirige une chaîne de pâtisseries réputée dans tout le pays. Dans le même temps, Omer Faruk Kavurmaci, le PDG de l’entreprise Aydinli (confection, services, construction), a été mis en examen en tant que « membre d’une organisation terroriste ». L’homme est le gendre de Kadir Topbas, le maire d’Istanbul, figure du parti de la Justice et du développement (AKP, au pouvoir depuis 2002).

Dans le cadre de l’état d’urgence déclaré le 18 juillet pour trois mois , les biens et avoirs des suspects sont susceptibles d’être confisqués. Mardi, l’entreprise Boydak, qui emploie près de 20 000 personnes, est passée sous le contrôle du Fonds d’assurance et de garantie des dépôts (TMSF), un organisme public chargé des faillites des banques et des entreprises.

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Vendredi, dix-huit sociétés de la holding Koza Ipek (médias, minerais, tourisme, énergie), d’une valeur estimée à 10 milliards de dollars (9 milliards d’euros), ont suivi le même chemin sur injonction de la 4e chambre criminelle d’Ankara.

« Selon les derniers décrets, ces entreprises seront mieux gérées par le Fonds TMSF que par leurs propres dirigeants. Les banques pourront s’adresser directement au Fonds pour recouvrer leurs crédits. Le système retrouvera sa normalité. De cette façon, les risques ont été minimisés », a rassuré, mardi, le vice-premier ministre Nurettin Canikli, lors d’une rencontre avec les représentants de l’Association des banques turques.

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