Abattoir de Fruges , Tout est fait pour que la bête ne voit rien de ce qui va lui arriver
De la grille d’entrée, on ne réalise pas bien ce qui se passe derrière les murs. Tout n’est que silence. En tendant l’oreille, on entend un meuglement. Une vache qui n’a plus que quelques minutes à vivre, tout au plus. On est à l’abattoir public de Fruges. C’est là que sont abattus des milliers de vaches, de moutons et de cochons. Et ce depuis cinquante ans, à raison de 5 000 tonnes par an.
Il y a une trentaine de personnes qui travaillent ici. Dont 25 affectées à la mise à mort et à la découpe des carcasses. Des « tueurs » dont la réputation a été mise à mal récemment par des vidéos insoutenables prises dans des abattoirs du Gard et des Pyrénées-Atlantiques.
Ces vidéos, Séverine Debreyne, responsable qualité, les a regardées. «
Ici, on est à des années-lumière de ce qu’on a vu. Elles montrent des agissements qu’on ne tolère pas ici.
» Direction la chambre d’abattage. Dans l’antichambre, d’abord, où les b’ufs sont mis dans des boxes. Ici se trouve le bouvier. C’est lui qui juge de l’état des bêtes, de leur comportement, si elles sont stressées ou si elles lui paraissent malades. S’il a le moindre doute sur une des bêtes, elle est écartée et signalée aux services vétérinaires.
Vérifier que la bête est bien inconsciente
Les autres empruntent une espèce de couloir sinueux. C’est fait exprès pour que les courbes empêchent les bêtes de voir au loin ce qui se passe. «
Comme cela, elles arrivent au lieu d’abattage sans stress. Tout est fait pour que la bête ne voit rien de ce qui va lui arriver
», précise Séverine Debreyne.
La première vache fait son apparition dans la salle. Elle est maintenue dans un harnais en métal qui l’empêche de bouger. C’est là qu’intervient le matador, une sorte de pistolet à air comprimé qui tire une minuscule munition qui pénètre dans la tête et frappe violemment l’os du crâne. C’est le bouvier qui se charge de cette besogne. La bête n’est pas morte. Elle tombe inconsciente. «
C’est le but recherché. La bête est assommée, elle n’a pas le temps de souffrir. » L’animal est aussitôt récupéré. On lui attache une chaîne à la patte et il est hissé. Le tueur approche. Mais avant de plonger son couteau dans la gorge, il vérifie qu’elle est bien inconsciente. «
On regarde l »il, si la pupille bouge, ce n’est pas bon. On redonne un autre coup de matador.
»Deux rapides coups de couteau sur la gorge, un flot de sang qui jaillit et c’est fini.«
Il se peut que la bête tressaille. Mais ce sont des contractions musculaires
», souligne Séverine Debreyne.
Entre l’entrée dans la salle d’abattage et la mort de l’animal, il s’est écoulé trois minutes. Le cadavre de la bête est acheminé vers la salle de découpe. Déjà la prochaine vache fait son apparition.
«Ce sont des actes qui doivent être sanctionnés»
Thierry Mourrier, le directeur de Fruges a regardé attentivement les vidéos parues sur internet. «
Sur la première qui est parue, il y a quelques mois, je pense qu’il s’agit d’une personne qui ne maîtrise pas son travail. À mon sens, il n’y a pas d’actes volontaires de cruauté, mais de l’incompétence. En revanche, sur les deux autres qui sont parues, la cruauté intentionnelle envers les animaux est flagrante. Ces gens qu’on voit sur l’écran sont clairement des imbéciles’
» Et aussi des brebis galeuses, selon Thierry Mourier qui veut croire qu’il s’agit là d’actes isolés. «
Ce genre de comportement inacceptable, s’ils se produisaient ici à Fruges serait immédiatement sanctionné par un licenciement. »
Mais Thierry Mourier doute qu’une telle situation se produise un jour à Fruges. «
Parce que c’est une petite structure où tout le monde se connaît bien. Quelqu’un qui agirait de la sorte serait tout de suite repéré.
»
Le directeur de l’abattoir attend maintenant le contrôle promis par le gouvernement. «
Mais on a aucune information à ce sujet. On sait que le gouvernement veut contrôler tous les abattoirs du pays, mais on ne sait pas dans quelles conditions ni qui va contrôler nos installations. En tout cas, nous sommes sans inquiétude quant à la façon dont nous travaillons Les personnes qui travaillent à l’abattoir connaissent leur métier et le font bien.
»