Roland-Garros J11 , après le bazar l’heure de Richard
Au lendemain d’une journée bordélique à souhait, où les joueurs ont été envoyés sous la pluie, objectif zéro interruption pour les organisateurs, et objectif demi-finale pour Gasquet, qui tâchera de renverser Andy Murray cet après-midi.
L’édition 2016 de Roland-Garros est doucement, mais surement, en train de devenir légendaire, et chaque jour s’écrivent sous nos yeux de nouvelles pages inoubliables. Après un lundi 0% tennis et 100% déluge, ces deux-là ont trouvé hier un mauvais compromis, qui a permis de voir quelques joueurs patauger dans une terre battue gadoueuse (une gadoue battue ) pendant deux heures et une minute précisément (c’est important, vous allez comprendre). Si l’on s’est réjoui de revoir du sport, on a surtout retenu le bazar entre les points et autour des matchs.
Ainsi a-t-on vu Novak Djokovic ne plus savoir jouer au tennis pendant un set, faire le mariole avec un parapluie en attendant que sa partie reprenne, exploser deux fois le cordage de sa raquette dans le même jeu, et implorer les cieux pour que la pluie s’arrête car il était en train de se faire malmener par Roberto Bautista Agut, le n°16 mondial à qui il avait mis 6-2, 6-1 un mois plus tôt à Madrid.
On a aussi vu Ernests Gulbis, opposé à David Goffin, vouloir quitter le terrain de son propre chef au bout d’un quart d’heure à cause de l’averse incessante, avant de se faire rappeler à l’ordre par l’arbitre. Qui allait finalement renvoyer tout le monde au vestiaire cinq minutes plus tard.
First Goffin tried to argue and then Gulbis tried to leave the court. Eva multitasking. #umplyfe pic.twitter.com/pSoq8TLIQB
‘ LillaMay (@LillaMay) May 31, 2016
On a vu Agnieszka Radwanska, n°2 mondiale qui menait 6-2, 3-0 au moment où la partie reprenait mardi midi, s’incliner finalement 2-6, 6-3, 6-3 face à la Bulgare Tsvetana Pironkova, 102e joueuse mondiale. Réaction de la perdante : « Ce n’est pas un tournoi à 10 000 dollars, c’est un Grand Chelem ! Comment peut-on laisser les joueurs jouer sous la pluie J’ai les boules. Je ne peux pas jouer dans ces conditions. » Réaction de la gagnante : « Moi aussi, j’ai joué sous la pluie. Les conditions étaient les mêmes pour moi. »
On a vu le même scénario entre Simona Halep (n°6) et Samatha Stosur (n°24), menée 5-3 lorsque le match avait été arrêté et finalement victorieuse 7-6, 6-3. Réaction de la perdante : « Je n’ai pas de mots. C’était impossible de jouer, selon moi. Mais personne ne se soucie de l’avis des joueurs. » Réaction de la gagnante : « Si on nous dit de jouer, on joue. Si c’est trop humide, il faut dire que ça ne va pas. Mais là, ça allait. »
On a vu la paire Mahut/Herbert quitter le court n°3, impraticable en raison d’un trou dans la bâche censé le protéger de l’ondée, et atterrir sur le court n°10, où les lignes devenaient rapidement invisibles.
Scène un peu surréaliste sur le court n°10, où Herbert et Mahut ont du mal à obtenir des lignes visibles. #RG16 pic.twitter.com/sHeCW094ab
‘ Tennis Magazine (@TennisMagazine1) May 31, 2016
Autre conséquence de la pluie sur tous les terrains, dès qu’un échange durait plus de dix secondes, on a vu les balles devenir aussi lourdes que des boules de pétanque, et prendre la couleur marronnasse de celles qu’on envoie à son chien depuis six mois.
Et puis, la bruine permanente s’étant transformée en véritable drache, on a vu toutes les rencontres du jour s’arrêter, sauf celle entre Djokovic et Bautista Agut sur le court Philippe-Chatrier. On a compris pourquoi au bout d’une dizaine de minutes, lorsque la partie finit par être stoppée à son tour, alors que les joueurs s’affrontaient depuis deux heures et minute : au-delà de deux heures de jeu, la FFT, à qui l’annulation totale du lundi avait coûté quelque deux millions d’euros, ne rembourse pas les billets (en-dessous d’une heure, elle rembourse 100%, et entre les deux, 50%). Une stratégie d’une subtilité et d’une discrétion totales, qui s’est à peine remarquée.
121. Après 121 minutes de jeux (la limite des remboursements), le jeu est à nouveau interrompu à #RG16. pic.twitter.com/AZCBByLj0z
‘ Jeu, Set et Maths (@JeuSetMaths) May 31, 2016
Cet ensemble d’événements extraordinaires a, évidemment, suscité son lot de railleries à l’égard d’un tournoi accusé de ne pas être à la hauteur.
On peut voir les choses autrement, et constater que le scénario de cette édition 2016 bouscule ceux qui aimeraient que tout se passe toujours comme prévu, qu’il fasse beau tout le temps, que les joueurs ne disent pas un mot sur le terrain, et que Djokovic gagne tous ses matchs en trois sets et une heure et demie. Eh bien non, il pleut, il caille, Federer et Nadal ne sont pas là, Djokovic va peut-être perdre contre un Espagnol avec une drôle de tronche et un nom bizarre, et c’est très bien comme ça. C’est chaotique, c’est palpitant. Si « Djoko » remporte le tournoi, rien que pour ce match bizarroïde sous la pluie, sa victoire aura une petite saveur qu’aucune autre n’aura jamais.
GASQUET, VINGT ANS APRÈS LA UNE DE TENNIS MAGAZINE
Si Richard Gasquet gagne Roland-Garros aussi, d’ailleurs, mais pour d’autres raisons, l’une d’entre elles étant que cela fait 33 ans que, etc. Il n’est pas interdit de rêver, le chemin n’est plus si long pour le Français (n°12 mondial), puisque, pour recycler nos propos d’hier, il ne lui reste qu’à battre le n°2 (Murray) en quart, le n°4 (Wawrinka) en demie, et le n°1 (Djokovic) en finale (sauf coup d’éclat du n°16, n’est-ce pas).
On taquine, mais Gasquet aura cet après-midi une réelle chance d’embêter Andy Murray, qui lui a pour l’instant brisé le moral à chaque fois qu’ils se sont croisés à Roland-Garros : une victoire en cinq sets après avoir perdu les deux premiers en 2010 (1er tour), une autre en quatre sets après un début de match fantomatique en 2012 (8e de finale).
Le Britannique, demi-finaliste à Paris en 2011, 2014 et 2015, a connu une entame de tournoi poussive (10 sets et sept heures de jeu en deux matchs) avant d’accélérer pour se débarrasser rapidement de deux géants (Karlovic, Isner). Le Français, lui, a d’ores et déjà réussi le meilleur Roland-Garros de sa vie, et s’est blindé le mental grâce à deux victoires nettes sur de redoutables adversaires (Kyrgios, Nishikori).
La défense acharnée, l’endurance à toute épreuve, et les frappes lourdes d’un côté de l’autre. De l’autre, le revers soyeux, les coups bombés, les angles impossibles, et l’amour du public, dont le Français a dit qu’il avait parfaitement joué son rôle pour faire craquer Nishikori au tour précédent. Il y vingt ans, les attentes suscitées par Richard G. lui avaient valu cette fameuse une de Tennis Magazine qui allait lui mettre une pression d’enfer pendant des années. Aujourd’hui, celles nées de son beau parcours parisien lui vaudront le soutien de 15 000 spectateurs, qui la mettront sur les épaules d’Andy Murray.
Henri Seckel
UNE HISTOIRE DE CALENDRIERLes cerveaux de la FFT sont en surchauffe. En théorie, le mercredi de la deuxième semaine, six des huit demi-finalistes sont déjà connus, et il ne reste que deux quarts de finale messieurs à disputer. Ce matin, il reste huit huitièmes de finale à jouer, quatre chez les messieurs, quatre chez les dames. Les finales du tournoi pourront-elles se dérouler, comme prévu, le week-end prochain C’est encore possible. Mais certains vont devoir enchaîner les matchs.
Si Djokovic gagne aujourd’hui, il devrait jouer son quart de finale demain (jeudi), puis une éventuelle demi-finale vendredi et la finale dimanche. Chez les filles, on en connaît qui vont sans doute jouer tous les jours jusqu’à la fin. Prenons Serena Williams, dans l’éventualité où elle irait au bout : huitième de finale aujourd’hui (mercredi), quart jeudi, demie vendredi, finale samedi. En résumé, il est encore possible de tenir les délais du calendrier initial, mais la moindre heure de pluie risque désormais de tout décaler.
BONUS HURLEMENTS DE LAMALe chef-d »uvre sur terre battue de la journée d’hier n’a pas eu lieu à Roland-Garros, mais à Prost’jov, en République tchèque, lors du match entre Gonzalo Lama et Robin Haase. Comme vous allez le constater, un des deux joueurs crie fort, l’autre ne crie pas, et celui qui ne crie pas en a marre que celui qui crie crie. Et il le fait comprendre. Montez le son.
Robin Haase a perdu ce point (et le jeu) pour « gêne » (« hindrance »). Ce n’est pas une blague. Le Néerlandais c’est incliné 6-3, 6-3.
LE PROGRAMME COMPLETCoup d’envoi des matchs à 11 heures sur chaque court. Entre parenthèses, la nationalité, le numéro de tête de série, et le score des matchs au moment de leur interruption hier. En bleu, le Français. En italique, les quarts de finale (attention, ce paragraphe, qui est en italique, n’est pas un quart de finale).
Court Philippe-ChatrierSerena Williams (USA, n°1) Elina Svitolina (UKR, n°18)Novak Djokovic (SRB, n°1) Roberto Bautista Agut (ESP, n°14) (3-6, 6-4, 4-1)Richard Gasquet (n°9) Andy Murray (GBR, n°2)Samantha Stosur (AUS, n°21) Tsvetana Pironkova (BUL)
Court Suzanne-LenglenVenus Williams (USA, n°9) Timea Bacsinszky (SUI, n°8)David Ferrer (ESP, n°11) Tomas Berdych (RTC, n°7) (2-1)Albert Ramos Viñolas (ESP) Stan Wawrinka (SUI, n°3)Shelby Rogers (USA) Garbiñe Muguruza (ESP, n°4)
Court n°1Kiki Bertens (NED) Madison keys (USA, n°15)Ernests Gulbis (LET) David Goffin (BEL, n°12) (3-0)
Court n°2Carla Suarez Navarro (ESP, n°12) Yulia Putintseva (KAZ)Marcel Granollers (ESP) Dominic Thiem (AUT, n°13) (2-6, 7-6)
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