N’ux-les-Mines, un employeur fait poser un mouchard GPS sous la voiture d’un salarié

N'ux-les-Mines, un employeur fait poser un mouchard GPS sous la voiture d'un salarié

«
Pittoresque
», «
distrayante
», voilà comment les magistrats ont décrit cette affaire d’espionnage, jugée jeudi. Côté victime, l’employé s’approche, appuyé sur des béquilles. Côté prévenus, le détective a répondu présent, l’employeur, lui, est absent, pour raisons de santé. Au centre, c’est la question de la vie privée qui est soulevée.

C’est le 25 novembre 2011 qu’un habitant de Cauchy-à-la-Tour découvre un petit boîtier noir aimanté sous sa voiture. Depuis quelques jours, il avait déjà remarqué qu’un véhicule immatriculé en Belgique traînait dans les parages, mais ce mouchard est une preuve évidente qu’il est suivi. Tout de suite, ses soupçons se tournent vers son employeur avec qui il est en conflit depuis un accident du travail.

En effet, trois semaines après son embauche, le salarié avait fait une chute sur un chantier. Résultat : entorse de la cheville. Et quatre ans après, «
suite à des complications et une incapacité permanente partielle reconnue à plus de 40 %
» expliquera son avocat, l’homme est toujours en arrêt maladie.

Alors son patron a voulu en savoir plus. Et au lieu de faire classiquement appel à la médecine du travail, il missionne un détective privé. L’enquêteur commence donc une filature’ mais la surveillance est difficile. Il annonce à l’employeur qu’il va avoir recours à un traceur GPS. Le chef d’entreprise ne s’y oppose pas. «
À l’époque, je ne savais pas que la pose de ce genre d’appareil était interdite. En tant qu’ancien policier, je l’ai fait de nombreuses fois
», explique le détective, qui a exercé pendant 35 ans dans la police nationale, aux juges.

« Anormal mais pas forcément pénal »

Une semaine après avoir placé le mouchard et n’ayant rien remarqué d’anormal dans les déplacements de sa cible, le détective prend donc la décision de l’ôter. Mais il n’aura pas le temps. Le Cauchois le découvrira avant et, conseillé par son avocat, portera plainte. «
Ce qu’ils ont fait, c’est une violation d’un droit fondamental : celui de la vie privée
», plaidera l’avocat de la partie civile qui réclame 2 000 de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par son client, et 1 500 pour son épouse dont les déplacements étaient, de fait, également épiés.

«
C’est un acte anormal mais pas forcément pénal
», estime l’avocat du détective, argumentant «
il a suivi une voiture, pas un individu. La circulation sur la voie publique n’est pas de l’ordre de la vie privée
». L’avocat de l’employeur se demande aussi dans quelle mesure la vie privée du couple a été bafouée. Tous deux estiment que leurs clients doivent être relaxés. Ce qui sera le cas pour l’employeur et en partie pour le détective. Mais ce dernier aurait dû retirer plus tôt la balise. Il devra verser les 1000 d’amende. Et les victimes seront indemnisées.

La vie privée encore respectée

Peut-on encore avoir notre jardin secret aujourd’hui À l’heure d’Internet, des réseaux sociaux intrusifs, de la vidéo-surveillance et du traquage marketing pour coller au plus près de nos modes de consommation et de nos goûts (autant d’exemples énumérés par les avocats), où se situe la limite entre vie privée et vie publique Dans les tribunaux parisiens, cette limite recule inexorablement, fera remarquer un magistrat, tant les procédures sont légions.

D’ailleurs, comble de l’ironie dans cette affaire, la victime du mouchard a trouvé toutes les informations concernant le détective sur le Web, juste avec sa plaque d’immatriculation. Vivre caché devient décidément de plus en plus compliqué.

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