Finances santé scandale’ Le Nord-Pas-de-Calais aussi possède ses lanceurs d’alerte

Finances santé scandale' Le Nord-Pas-de-Calais aussi possède ses lanceurs d'alerte

Leur seul point commun, c’est sans doute de partager cette pensée de Willy Brandt : «
Ne l’oubliez jamais : celui qui laisse se prolonger une injustice, ouvre la voie à la suivante.
» Pour le reste, rien ne rapproche les personnalités que nous évoquons ici. Elles ne sont pas les seules. Elles sont cependant emblématiques des registres où le devoir d’alerte doit jouer.

La finance bien sûr, au c’ur du procès LuxLeaks qui s’est ouvert mardi à Luxembourg, mais aussi au c’ur des préoccupations de la Lilloise Stéphanie Gibaud, au point qu’elle a elle aussi décidé de dénoncer des pratiques d’évasion fiscale. Ce qui ne lui a pas apporté que des lauriers.

Patricia Duvieubourg confirme le sentiment d’isolement, qui, au moins un temps, s’impose : «
Ça n’est pas évident, on ne nous prend pas au sérieux. Mieux vaut être bien dans ses baskets.
»

Simple bénévole dans une association caritative de Guînes (Calaisis), elle est soudain confrontée, mi-2014, au témoignage d’une retraitée ne parvenant plus à joindre les deux bouts parce que privée d’une pension qui lui est pourtant due. Bientôt, elle identifie des dizaines, des centaines, des milliers de retraités dans ce cas. La CARSAT, organisme payeur, ne fait pas face. La presse, La Voix du Nord en tête, relaie. Le scandale remonte jusqu’au gouvernement. «
Lanceuse d’alerte Disons qu’au départ, je ne me rendais pas compte. Je n’ai pas vocation à devenir une vedette. Il y a de quoi perdre la tête. J’ai eu des appels anonymes malveillants. Parfois, je pleurais
», raconte-t-elle. Candidate aux régionales sur la liste Front de gauche mais non cartée, Patricia Duvieubourg, 58 ans, espère bientôt reprendre ses interventions périscolaires dans le domaine de la gestion des émotions et de la confiance en soi. Pas un hasard.

À l’époque où on ne parlait pas encore de lanceur d’alerte, le pneumologue Jean-Pierre Grignet a fait figure de pionnier. C’est lui qui, à peine arrivé à Denain en 1974, découvre les ravages de l’amiante et ferraille contre le déni (expertises, enquêtes, coups de force, développement du service hospitalier). Si l’amiante est interdit en France depuis 1997, le Dr Grignet, décédé il y a un an, n’y est pas étranger.

Le nom du Lambersartois Éric Darques peut également s’accrocher à notre propos, même s’il est entouré d’un parfum plus sulfureux. Pourfendeur des dérives financières en matière d’argent public dans la région depuis une quinzaine d’années, l’homme, étiqueté à droite, a réussi à faire condamner Pierre Mauroy sur une affaire d’emploi fictif et s’est attaqué au marché d’attribution du Grand Stade de Villeneuve-d’Ascq. Cofondateur du Front républicain d’intervention contre la corruption, toujours à l’affût des abus (il a le déplacement de Manuel Valls à Berlin pour un match de foot dans le collimateur), ce consultant financier estime que le statut de lanceur d’alerte ne doit pas être «
monétisé
». Ce qui ne l’empêche pas de s’insurger contre la situation «
indigne
» dont souffre Stéphanie Gibaud.

« Je suis au bout du rouleau »

La Lilloise Stéphanie Gibaud (en blanc sur notre photo, Stéphanie Gibaud était l’invitée des journées d’été des écologistes à Villeneuve-d’Ascq, en août) a observé de près les pratiques de la banque suisse UBS. Responsable marketing événementiel chez UBS France, elle refuse de détruire des fichiers clients à la suite d’une perquisition dans la société et joue un rôle décisif dans la dénonciation d’un système d’évasion fiscale : «
À partir du moment où j’ai compris ce qu’il se passait, je ne pouvais pas cautionner
», explique cette quinquagénaire qui est toujours sans emploi depuis son départ d’UBS en 2012 et qui vit grâce au RSA.

Il y a quelques jours, sur le plateau de « Cash Investigation » lorsqu’est sortie l’affaire des Panama Papers, Stéphanie Gibaud s’est retrouvée face au ministre de l’Économie Michel Sapin qui n’«
a rien pu (lui) promettre
». Ni protection ni dédommagement financier. «
Il m’a demandé d’aller témoigner à l’Assemblée nationale mais c’est toujours à moi de faire la démarche, ras-le-bol !
»

Une cagnotte en ligne a été ouverte pour la lanceuse d’alerte ainsi qu’une pétition réclamant que l’État lui remette la Légion d’honneur. Elle a recueilli 116000 signatures. «
Encore un soutien qui vient de la société civile. Vous me demandez de chiffrer ce que je réclame mais que valent une carrière brisée, une famille atteinte Dans ce système où on se prend les pieds entre tout le monde, je suis au bout du rouleau. J’ai fourni des données, mes connaissances et des compétences à l’administration fiscale, qu’ai-je eu en retour L’État vient quand même de récupérer 12 milliards avec UBS et moi je n’arrive pas à boucler mes fins de mois. Vous trouvez ça normal
»

S.F.P.

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