Procédure de destitution , ce qui attend Dilma Rousseff dans les prochains mois

Procédure de destitution , ce qui attend Dilma Rousseff dans les prochains mois

Le Monde
| 18.04.2016 à 21h01
Mis à jour le
18.04.2016 à 23h31
|

Par Youenn Gourlay

En mai, un premier vote du Sénat

Après le vote des députés, dimanche, la procédure de destitution entrera dans sa deuxième phase autour du 11 mai avec le vote des sénateurs. Il suffira d’une majorité simple (41 votes sur 81) de ses membres, dont la majorité est acquise à l’opposition, pour que Dilma Rousseff soit mise en accusation pour « crime de responsabilité ». La dauphine de Lula serait alors écartée du pouvoir pendant la durée de la procédure, soit 180 jours maximum. En cas de suspension, c’est Michel Temer, son vice-président et rival, ancien chef du Parti du mouvement démocratique brésilien (centriste) qui a rompu la coalition, qui la remplacerait pour former un gouvernement de transition.

180 jours loin du pouvoir

Si le Sénat confirme le vote des députés, Dilma Rousseff sera donc écartée du pouvoir jusqu’en novembre prochain. Durant cette période, la présidente brésilienne devrait faire l’objet d’une enquête et d’un procès. Si ce dernier n’a toujours pas démarré à l’issue des 180 jours de suspension, Dilma Roussef pourra reprendre ses fonctions jusqu’à la tenue du procès.

Sur quoi porte la procédure ‘

L’acte de destitution, lancé par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha à la demande de deux juristes, reproche à Dilma Rousseff son « irresponsabilité » en matière budgétaire. En 2014, son gouvernement aurait maquillé des déficits publics en prêts contractés auprès de banques publiques et ce, afin de favoriser sa réélection. La présidente brésilienne nie en bloc et son entourage a déjà pointé la fragilité du rapport voté au Parlement. Ce maquillage des comptes publics est connu au Brésil sous l’appellation « pedaladas », c’est-à-dire pédalage fiscal.

Le troisième volet de cette procédure ouvre la procédure judiciaire à proprement parlé. Le procès de « Dilma » doit avoir lieu entre les mois de mai et novembre prochains, dans l’enceinte du Sénat brésilien et sera dirigé par le président de la Cour Suprême, Ricardo Lewandowski. Comme dans tout autre procès, l’accusation et la défense auront le droit d’exprimer leurs positions et pourront faire entendre leurs témoins dans cette affaire. Les sénateurs y assisteront et pourront ainsi juger, à l’issue du procès, de la culpabilité ou non de la Présidente.

Quelle défense pour la Présidente ‘

La légalité de la procédure sera l’un des premiers points soulevés au Sénat brésilien. « Il n’y a pas de raison qu’il y ait une procédure de destitution contre moi. Il n’y a pas de base légale pour cette accusation. Je n’ai jamais commis de crime de responsabilité. Il n’y a pas d’accusation de corruption contre moi », a affirmé Rousseff la veille du vote parlementaire. Les juristes brésiliens se disent quant à eux très divisés sur la question. « Rien, jusqu’à présent, ne prouve un enrichissement personnel de la présidente. Il est évident qu’elle a contribué à l’état de récession dans lequel est plongé le pays, qu’elle a menti pendant la campagne électorale, qu’elle est irascible. Mais tout cela ne constitue pas un crime de »responsabilité » et ne justifie pas une destitution », juge Mario Conti, éditorialiste du journal Folha de Sao Paulo et de la chaine GloboNews.

Les défenseurs de la présidente auront en tête de distinguer l’affaire d’un contexte particulièrement délétère. Car Dilma Rousseff n’est pas poursuivie, ni n’a jamais été condamnée pour corruption. Depuis sa réélection, elle fait cependant face à l’opération « Mains propres », une enquête judiciaire de grande envergure qui révèle jour après jour les liens de corruption entre personnages politiques et grandes entreprises (principalement du BTP et du secteur de l’énergie), sans épargner les membres de son parti, dont l’ancien président Lula.

Quant au « pédalage fiscal », la défense de Dilma a expliqué qu’il s’agissait de paiements en retard et non de prêts, des man’uvres comptables pratiquées avec l’aval de la Cour des comptes et du Congrès.

Face à un Sénat qui lui est plutôt défavorable, Dilma Rousseff tentera d’user de son influence politique, comme elle a pu le faire ces derniers jours avec les députés. Avant leur vote, elle avait déjà promis à une cinquantaine de parlementaires des postes de ministres pour éviter que la procédure ne soit validée. Elle dénonce depuis plusieurs jours, une tentative de coup d’Etat menée par son vice-président Michel Temer, qui man’uvre pour évincer la présidente, et le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha, à l’origine de la procédure de destitution. « La décision des députés menace de perturber près de trente ans de démocratie dans le pays », arguait, hier, le chef du cabinet de la Présidente.

Des alliés de Dilma Rousseff ont déjà lancé une demande en destitution à l’encontre de Michel Temer, en assurant qu’il était autant impliqué qu’elle dans les man’uvres fiscales qui ont motivé la procédure d’« impeachment » de la présidente.

Le deuxième vote du Sénat

Quatrième et dernier épisode de la procédure de destitution: l’ultime vote du Sénat. Après avoir entendu Dilma Rousseff et ses opposants, les sénateurs devront se prononcer sur la question suivante : « La présidente a-t-elle commis les crimes qui lui sont reprochés et devrait-elle être condamnée à la perte de son mandat et l’interdiction temporaire, pour une durée de huit ans, d’exercer toute autre fonction publique ou électorale ‘ » Une majorité des deux-tiers (54 votes sur 81) est nécessaire pour que la chambre haute puisse prononcer la destitution définitive de Dilma Rousseff.

Si les sénateurs s’opposent à cette procédure à l’issue du procès, la présidente pourra reprendre ses fonctions. Dans le cas contraire, Michel Temer prendrait la présidence du pays et serait chargé de mettre en place un gouvernement d’unité nationale jusqu’aux prochaines élections, prévues fin 2018. A moins que des élections anticipées soient organisées, comme le suggèrent certains experts brésiliens, pour mettre fin à cette crise politique.

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