Nuit Debout Lille , les partis face à un mouvement qui ne veut pas d’eux
« Une démarche populaire et salutaire »
Martine Aubry, maire (PS) de Lille. « Des gens se rassemblent pour débattre, dans une démarche populaire, donc salutaire. J’y suis passée hier (dimanche), j’ai vu beaucoup de jeunes qui souhaitent prendre leur avenir en main. Dans ce moment difficile pour la France, tout ce qui redonne envie de faire des choses ensemble va dans le bon sens. D’autant qu’à Lille, ça se passe sans heurts. Ce mouvement survient sous un gouvernement de gauche, mais la crise du politique ne date pas d’aujourd’hui, ni de ce gouvernement, elle vient de loin. Je remarque que le gouvernement regarde avec intérêt et qu’il laisse faire, tant qu’il n’y a pas de violences, alors que la droite, elle, voudrait interdire le mouvement. »
« Ils devront faire de la politique »
Jean-René Lecerf, chef de l’opposition lilloise et président (Droite) du département. « Débattre dans le calme et la dignité, c’est respectable. Le mouvement est plutôt sympathique. Alors que le président de la République applique un programme pour lequel il n’a pas été élu, qu’un ancien président rejeté par l’opinion tente de revenir, que les gens n’y croient plus, l’esprit citoyen a besoin de nouveaux lieux pour s’exprimer. Mais mon expérience fait que je suis un peu dubitatif sur les tentatives de résurrection de Mai-68. Ces débats sont intéressants, mais quelles conséquences concrètes ont-ils Nous vivons dans un État de droit, or qui sont les relais pour faire évoluer le droit Les formations politiques. Tôt ou tard, ils devront donc intégrer une formation. À moins qu’ils ne créent leur propre mouvement de pensée, affranchi des clivages traditionnels. Après tout, les gens sont friands de rassemblement : voyez le succès de Macron ou Juppé ! »
« Il y a une contradiction »
Éric Dillies, conseiller municipal FN. « J’espère qu’ils ne se mettront pas à tout casser, comme à Rennes. Tant que ce n’est pas le cas, je ne critique pas leur prise de conscience : oui, il y a un malaise dans la société, c’est une évidence, chacun le constate. Mais au-delà des discussions, sans doute très intéressantes, quelles solutions Plus d’internationalisme Il y a chez Nuit debout une contradiction fondamentale. Car de quoi se plaignent-ils D’une adaptation de notre code du travail à la mondialisation. Si tout et tout le monde rentre, c’est le travailleur français qui en paie le prix fort. Quand on veut un monde sans frontières, comme l’extrême-gauche, il faut en assumer les conséquences ! Ils font de l’agit-prop, ils passent leurs nerfs et le gouvernement le tolère. Mais la seule manière de sortir du moins-disant social, c’est de reprendre la main sur nos frontières. »
« On respecte leur indépendance »
Jérémie Crépel, conseiller municipal Europe Écologie Les Verts. « Que des citoyens se saisissent du débat, dans l’espace public, de façon posée, est forcément positif. On a proposé un coup de main pour le matériel mais ils se débrouillent très bien sans nous. On respecte leur souci d’indépendance. On peut participer à titre individuel, mais chacun doit rester à sa place. Ce sont des gens proches de nos valeurs, même s’ils ne se reconnaissent pas dans les partis. Ce problème de confiance, je le comprends. La faute en incombe aux politiques. Le quinquennat Hollande n’a pas aidé à renouer les liens. Et quand je vois notre secrétaire nationale (Emmanuelle Cosse) rejoindre le gouvernement contre l’avis de son parti’ Retisser ces liens va prendre longtemps. Il passe par un travail de fond, d’humilité, d’écoute, de respect de la parole donnée. »
« La population est disponible pour essayer autre chose »
Sébastien Polvèche, membre des instances nationales du Parti de gauche. « Nuit debout rappelle le Printemps érable au Québec ou les Indignés en Espagne : un mouvement qui se crée contre un projet la loi El Khomri avant de devenir totalisant. L’intéressant, c’est que toute la société est interrogée, depuis sa logique capitaliste jusqu’à son cadre institutionnel. On est en accord avec ça, même s’il n’est pas question de récupération : y aller avec de gros sabots, c’est la meilleure façon de casser la dynamique. Le mouvement se construit encore, il essaime, y compris à l’international. Les gens se réapproprient l’espace public, des consciences politiques sont en train de se forger. L’impact sur le paysage politique ne sera ni mécanique, ni immédiat. Quand on plante des graines, au début, on ne voit rien. Le mouvement prouve en tout cas que la population est disponible pour essayer autre chose. »
« Étendre les luttes sociales »
Joseph Demeulemeester, secrétaire de la section de Lille du Parti communiste français. « À l’heure de la plus grande mobilisation sociale depuis le début du quinquennat, il faut des espaces d’expression comme celui-là pour réfléchir à des alternatives. C’est le rôle traditionnel des partis, mais la gauche sociale-libérale est discréditée, et la gauche de la gauche passe trop de temps à parler d’elle-même’ Le mouvement est le fruit de ce manque de perspectives. Il n’a que quelques jours et ses attentes sont très diverses, il est donc trop tôt pour l’analyser ou entrevoir ses débouchés. Mais quelle que soit la traduction politique, si Nuit debout permet à des luttes sociales de s’étendre et de gagner d’autres groupes, c’est déjà intéressant. »