Nuit debout , après l’affaire Finkielkraut le casse-tête des opinions divergentes
Le Monde
| 19.04.2016 à 02h02
Mis à jour le
19.04.2016 à 09h53
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Par Violaine Morin
Deux jours après avoir été chassé de la place de la République par un groupe de personnes présentes à Nuit debout, Alain Finkielkraut écrit, dans une tribune parue dans Le Figaro, mardi 19 avril : « Certains participants sont, j’en suis sûr, désolés de ma petite mésaventure. Mais le fait est là : on est entre soi à Nuit debout. Sur cette prétendue agora, on célèbre l’autre, mais on proscrit l’altérité. Le même discute fiévreusement avec le même. » Dans sa « réponse à ceux qui m’ont expulsé », l’académicien ajoute : « Tout le monde s’en fout de Nuit debout. Tout le monde, sauf les médias qui cherchent éperdument dans ce rendez-vous quotidien un renouveau de la politique et lui accordent une importance démesurée. »
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Les participants dénoncent l’agitation médiatique autour de la « mésaventure » du philosophe, dont les images ont montré l’altercation avec les manifestants. Mais le mouvement se retrouve de fait en tension entre sa vocation d’ouverture et son identité politique marquée à gauche, qui rend certaines opinions malvenues. Il s’était pourtant donné une règle : n’importe qui peut s’exprimer, mais les propos racistes, sexistes et homophobes ne sont pas tolérés. Ceux violents « contre la mondialisation ou contre les banques » sont en revanche acceptés, reconnaît le « pôle modération ».
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Sur la place, le « pôle sérénité » se charge de faire respecter cette règle, « toujours dans la médiation », explique Camille (le prénom a été modifié). « Tous les gens qui ne sont pas d’accord peuvent le dire, jusqu’au stade de la provocation. » Exemple ‘ « Un type s’est mis devant le stand pro-palestinien en criant des insultes. » L’individu est pris à part, on lui réexplique calmement les règles. « Parfois, ça prend cinq minutes, parfois une heure. Au bout d’un moment, ceux qui ne veulent pas être dans le dialogue finissent par partir. » Un autre soir, quelqu’un vient « avec une sono, en se présentant comme électeur FN ». Le « pôle sérénité » le laisse causer, un petit groupe se forme. « On lui a juste demandé d’éteindre sa sono à un moment, parce que l’AG allait commencer. »
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« Vous êtes tout ce que l’on voulait éviter ! »
La situation se complique lorsque quelqu’un exprime des opinions divergentes pendant l’AG, où le temps est chronométré et les réponses différées, à moins de présenter une « opposition radicale » (il faut alors mettre les bras en croix). Lundi soir 18 avril, un jeune homme se lève pour accuser les « commissions » de ne pas tenir compte des opinions de « l’assemblée souveraine ». Alors qu’il s’époumone contre la modératrice, il est mis sur le côté, calmé, puis invité à s’inscrire sur la liste d’attente. « On m’a dit que j’allais parler dans quarante minutes. Vous êtes des bureaucrates ! Vous êtes tout ce qu’on voulait éviter ! », lâche-t-il. Nuit debout met un soin particulier à faire respecter ses « outils démocratiques ». Même si les « tours de paroles » peuvent agacer, car certaines opinions n’attendent pas.
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Ces « règles du jeu », destinées à pacifier le débat, ne protègent pas toujours les orateurs contre les réactions immédiates. Le pôle modération se félicite que les discussions « s’autorégulent » grâce aux réactions de l’assemblée. « Quand quelqu’un dit quelque chose de déplacé, il le sent très vite. » Mais justement, comment aller au bout de son idée, qui pourrait, après tout, avoir droit de cité, devant une assemblée qui manifeste son désaccord ‘ Interdiction d’arracher le micro des mains d’un autre, de couper la parole, d’intimer à un autre participant l’ordre de se taire.
Mais les forêts de bras en croix, et même parfois les huées, peuvent avoir raison des meilleures intentions pour garantir la libre expression de tous.
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