Le sulfureux imam de Brest invité d’honneur d’une mosquée roubaisienne
L’affiche a beaucoup circulé la semaine dernière sur le Web, suscitant à Roubaix l’enthousiasme pour certains, la colère pour d’autres. Le prédicateur star de YouTube, Rachid Abou Houdeyfa, était en effet annoncé à la mosquée du quartier des Trois-Ponts !
L’imam salafiste de la mosquée de Brest a ses détracteurs : Rachid Abou Houdeyfa a plusieurs fois dérapé ces dernières années. «
Je suis musulmane et profondément choquée que ces personnes viennent à Roubaix répandre la haine de la France !
», nous écrivait cette semaine une lectrice. Une autre mosquée roubaisienne, celle du Pile, est allée jusqu’à déconseiller publiquement à ses fidèles d’assister à cetet conférence ! En 2012, le prédicateur a affirmé tranquillement que ne pas porter le voile, c’était s’exposer au viol : «
Si la femme sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là.
»
230 000 fans sur Facebook
L’année suivante, en 2013, il affirmait devant un public d’enfants que la musique profane était la création du diable et que ceux qui l’écoutaient seraient «
changés par Allah en singe ou en porc
». À chaque fois, l’homme a répliqué que ses propos avaient été «
sortis de leur contexte
».
L’imam est controversé mais a aussi ses fans : plus de 230 000 personnes suivent sa page sur Facebook. Guère étonnant, donc, de le voir en tête d’affiche de conférences un peu partout en France, comme c’était le cas lundi soir à Roubaix. Pour l’occasion, la mosquée Arrahma était bondée.
Annulation puis volte-face
Ce qui peut paraître plus étonnant, c’est de le voir partager la tribune avec Ahmed Miktar, le recteur de la mosquée de Villeneuve-d’Ascq, réputé modéré. Membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), Ahmed Miktar a remplacé au pied levé le président de cette association proche des Frères musulmans, le recteur de la mosquée de Lille-Sud Amar Lasfar. L’UOIF avait déjà fait polémique en février, en invitant à Lille trois prédicateurs sulfureux, qui ont fini par être déprogrammés sous la pression médiatico-politique’
Que penser de cette tribune commune «
C’est la démonstration d’un rapprochement entre l’UOIF, c’est-à-dire les frères musulmans, et les salafistes
», estime Mohamed Louizi, qui accuse Amar Lasfar de double discours dans son récent ouvrage Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans.
C’est lui qui a dénoncé sur Facebook l’organisation de cette conférence. Après la publication de son « post », le rendez-vous a été annulé, avant de ressurgir avec la disparition d’Amar Lasfar de l’affiche.
Signe de ce rapprochement, Ahmed Miktar a invité lundi soir les spectateurs à participer au financement de l’école coranique de Rachid Abou Houdeyfa, qualifiée de «
rempart anti-radicalisation
»’
Nous avons cherché sans succès à joindre la mosquée Arrahma, Amar Lasfar et Ahmed Miktar.
Les divisions entre musulmans mises sur le même plan que le terrorisme
Nous avons pu regarder la vidéo de la conférence, partagée sur Facebook par l’organisateur de la rencontre, l’imam de la mosquée des Trois-Ponts Abdelmonaïm Boussenna. Les orateurs n’y tiennent pas de propos outrageant. Abdelmonaïm Boussenna y condamne fermement les attentats de Bruxelles, «
en tant qu’être humain, que Français et que musulman
». Il excuse aussi l’absence d’Ismaïl Mounir, un autre imam controversé, qui dans une vidéo sur l’éducation, affirmait que la France était un «
monde cruel et dangereux
» pour les enfants et que les parents devaient leur donner un «
esprit communautaire
».
Lundi soir aux Trois-Ponts, Ahmed Miktar et Rachid Abou Houdeyfa ont à sa suite animé un long prêche « contre la haine ». Citations du prophète à l’appui, Ahmed Miktar a expliqué pourquoi l’islam était une religion de paix. Il en a aussi profité pour dénoncer la loi de 2004 qui interdit le port des signes religieux à l’école qui, selon lui, «
empêche les filles de travailler et d’apporter du bien à la société (sic) ». «
Cette loi porte atteinte à la liberté. On a le droit de rappeler à nos gouvernants qu’il faut revoir ce texte, dans l’intérêt de l’émancipation des femmes de confession musulmane
», a martelé l’imam de Villeneuve d’Ascq.
L’intervention de Rachid Abou Houdeyfa, elle, visait semble-t-il à dénoncer les divisions entre les musulmans, jugées porteuses de haine au même titre que les violences à l’égard de la police ou les attentats commis par des terroristes qui «
n’ont pas vu les bienfaits qu’ils ont reçus
». Selon l’imam de Brest, le musulman doit être «
doux et compatissant
», et «
respecter
» ceux qui n’ont pas la même foi, ou pas les mêmes pratiques religieuses. Sous-entendu : les salafistes ne doivent pas exclure les autres courants de l’islam’ ni être exclus eux-mêmes.