Le sommet de l’OTAN à Varsovie une étape vers le bouclier antimissile
Le Monde
| 09.07.2016 à 18h14
Mis à jour le
09.07.2016 à 18h24
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Par Nathalie Guibert
Pour la défense antimissile de l’OTAN sur le territoire européen, c’est une étape importante, même si le bouclier est loin d’être achevé : comme prévu, les 28 États membres de l’Alliance ont déclaré vendredi 8 juillet lors du sommet de Varsovie la « capacité opérationnelle initiale » du système. « Cela signifie que les navires américains basés en Espagne, le radar en Turquie, et le site intercepteur en Roumanie sont à présent en mesure de fonctionner ensemble sous le commandement et le contrôle de l’OTAN », a déclaré le secrétaire général Jens Stoltenberg. De quoi, en théorie, intercepter une frappe sporadique venue d’Iran, adversaire que l’on ne nomme pas.
Les équipements déjà installés en Europe ont été financés à hauteur de centaines de millions de dollars par les États-Unis, moteur dans la construction du bouclier européen depuis 2002 dans l’Alliance. L’étape de 2016 est la deuxième d’un plan qui devrait, en 2020, aboutir à un système complet de défense face à toute menace balistique venue du Moyen-Orient ou de la Corée du Nord.
Cette entreprise est un sujet de friction sérieux avec la Russie : Moscou ne manque pas de rappeler régulièrement qu’il s’agit d’une démarche agressive, car elle y voit une menace pour ses propres armes stratégiques. De la même façon, Moscou a protesté vendredi après l’annonce de l’installation d’un système américain antimissile en Corée du Sud, accusé de « rompre l’équilibre régional ».
Le projet américain en Europe pose aussi depuis l’origine un problème pour la France, qui ne veut pas voir sa dissuasion nucléaire concurrencée ou relativisée par cet autre système de défense, y compris au plan industriel et financier, puisque l’antimissile requiert des investissements lourds. La déclaration de Varsovie sur la sécurité transatlantique rappelle ainsi, dans un langage pesé, la « combinaison appropriée » sur laquelle doit reposer le « dispositif de dissuasion et de défense de l’OTAN », à savoir « capacités nucléaires, capacités conventionnelles et capacités de défense antimissile ».
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Même si, pour l’heure, le commandement et le contrôle des radars et autres intercepteurs est américain, le système n’est pas abouti et la décision du sommet « a été prise dans le respect de la position de la France », a souligné le président François Hollande, samedi. « Le contrôle politique est absolument nécessaire et il doit être commun ». En outre, « cette capacité de défense antimissile ne vise à répondre qu’à des menaces hors de la zone euro atlantique, pour être clair elle ne concerne pas la Russie. La posture de l’alliance est strictement défensive, l’OTAN ne se cherche pas d’ennemi ».
Bulles impénétrables
Les Alliés européens ont jusqu’à présent très peu investi dans leurs propres capacités antimissiles, qui pourraient venir former les briques d’un véritable bouclier collectif à terme. Pourtant, d’un point de vue militaire, un défi se présente : les investissements lourds de la Russie et d’autres acteurs dans les équipements « Anti accès/déni de zone », dits A2/AD. Soit des capteurs (aériens, spatiaux) et des missiles capables de créer des bulles impénétrables au-dessus de larges portions de territoire. « Cela nous préoccupe de plus en plus », a admis un membre du secrétariat général à Varsovie. « La Russie développe ces moyens dans la presqu’île du Kamchatka, dans l’enclave de Kaliningrad, en Crimée, en Syrie ».
Ces armes couvrent ainsi potentiellement une partie du territoire de l’allié turc. Mais aussi toute la Mer Baltique. La Norvège exprime ainsi sa préoccupation, en raison de leur impact sur les lignes de communication maritimes entre les États-Unis et l’Europe. « En temps de crise, cela pourrait avoir des conséquences sur notre liberté de mouvement et de man’uvre. Nous ne pouvons pas le tolérer, et nous devons prendre des mesures, sur les territoires de l’OTAN comme dans les eaux internationales », a affirmé le responsable déjà cité.
Les moyens A2/AD « posent un vrai problème car ils sont très intégrés, une seule plateforme ne peut à elle seule répondre à cette menace », souligne le général Denis Mercier, commandant allié pour la transformation de l’Alliance (SACT). Par exemple, il ne suffit plus de savoir brouiller un radar car celui-ci appartient à tout un ensemble, et « nous avons besoin de combiner tous nos moyens pour pénétrer, neutraliser et détruire ce type d’armes », explique-t-il. Dans une alliance fondée sur le consensus, le défi des 28 États membres pour l’avenir porte donc bien sûr « la façon dont ils s’agrègent » face aux nouvelles menaces pour décider plus rapidement au plan politique, et réagir presque instantanément au niveau militaire.
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