Guénadi l’un des premiers enfants de Tchernobyl accueillis dans le Pas-de-Calais nous ouvre sa maison

Guénadi l'un des premiers enfants de Tchernobyl accueillis dans le Pas-de-Calais nous ouvre sa maison

Les retrouvailles

«
Éric, Francis !
» Un grand homme blond rayonnant, veste en simili cuir, débarque en toute hâte dans le hall de l’hôtel, en plein centre de Moguilev, où loge la délégation du Secours populaire du Pas-de-Calais. Il enlace et embrasse ses deux amis nordistes. «
Vous mangez et dormez à la maison ce soir Allez, on m’a dit que vous pouviez
», lance-t-il dans un français approximatif. Les voilà embarqués dans les rues, puis dans un bus, jusqu’à la banlieue sud de la ville où réside depuis trois ans Guénadi, cet ancien « enfant de Tchernobyl ».

Éric Sergent (au centre) l’a accueilli six ans d’affilée dans sa ferme de Quesques, entre Boulogne et Saint-Omer, dans les années 90. Guénadi n’était encore qu’un gamin de 11 ans, avec une chevelure d’un blond platine, et il vivait chez sa grand-mère dans une petite maison du village de Lesnaïa, dans la zone contaminée par la catastrophe de Tchernobyl. Aujourd’hui, il en a 32, il file le parfait amour avec sa femme Svetlana, et ils ont un fils de 16 mois, Slavik.

La débrouillardise

Après une succession de barres d’immeuble, une maison en chantier aux parpaings apparents se dessine. Un vieux pneu, un portail rouillé et de la ferraille bordent son pied à terre. Dans la cuisine, la mère, Lioudmila, une ancienne comptable d’un kolkhoze, pose les derniers morceaux de banane sur un gâteau au chocolat. Les embrassades reprennent de plus belle.

Guénadi leur montre illico l’avancée des travaux. Des planches servent pour l’instant de plafond. L’isolation n’est pas achevée et dévoile les rondins de bois qui composaient les murs à l’origine. Des films plastiques protègent encore les portes. «
Mais ça a bien avancé, apprécie Éric, en découvrant le carrelage à motifs du salon. L’an dernier, ils n’avaient pas l’eau courante, ils devaient la chercher à l’extérieur.
»

Désormais, Guénadi est fier de faire couler le robinet devant son ancien hôte. «
J’ai l’eau froide. L’eau chaude, plus tard !
» Il se tourne vers la chaudière. «
Là, c’est le gaz. Direct de Russie !
», rit-il. Le Biélorusse retape sa maison lui-même. Au rythme des rentrées d’argent et des «
vidéos YouTube
» qu’il regarde sur son ordinateur pour apprendre les techniques. Déjà pendant ses séjours sur la Côte d’Opale, il adorait se faire photographier devant les plus belles demeures. C’est là qu’il a eu l’idée de construire la sienne. Chez lui, en Biélorussie.

Dans le jardin, deux véhicules bleus d’un ancien temps se reposent. «
Ça, petit camion. Et ça, gros camion !
» La remorque est remplie la ferraille en tout genre, que négociera Guénadi. De «
la débrouille
», traduit-il sur notre téléphone, qui lui rapporte à peine une centaine d’euros par mois.

Un accueil princier

L’heure du déjeuner. Une multitude d’assiettes garnit la table : de tomates, de concombres, d’une salade maison, de poulet’ Et forcément la vodka artisanale, jaune foncé, qui fait la fierté de sa mère. Un accueil royal. «
C’est toujours comme ça quand on vient
», explique Francis, un des plus anciens avec Éric à ouvrir sa maison de Wissant chaque été, avec le Secours populaire 62. «
C’est leur façon de nous remercier pour avoir accueilli leurs enfants.
» Éric leur a déjà rendu visite six fois dans l’isba (une maison russe traditionnelle en bois) de Lesnaïa.

Les albums photo défilent de mains en mains. Tantôt avec des photos de Biélorussie, ou des séjours en France, avec l’Aqualud, Bagatelle, la digue de Wissant’

Le petit frère de Guénadi, Igor, les a rejoints après le travail (de chauffeur) avec sa propre famille. Lui, a fait le trajet Lesnaïa Arras, puis Quesques (plus de 36 heures de bus) onze fois. «
Nous étions heureux de venir. On rencontrait de nouvelles personnes, et c’était impressionnant, car la Biélorussie est moins développée.
»

Il lance une application de discussion instantanée sur son téléphone. Les compagnes d’Éric et de Francis, restées en France cette fois-ci, apparaissent. «
Éric kaput ! Trop bu alcool
», plaisante Igor. La tablée rigole. Une vraie famille, née dans le Pas-de-Calais.

Le Secours populaire à Moguilev

Le Pas-de-Calais et la région de Moguilev (fortement touchée par les retombées radioactives) ont noué des liens forts. Chaque été depuis 1990, des « enfants de Tchernobyl » sont accueillis dans des familles de la région pour qu’ils se reconstituent un capital santé.

Nous avons suivi le Secours populaire du Pas-de-Calais, basé à Arras, dans un voyage en Biélorussie. Le récit des plus sombres heures, ainsi que l’après-Tchernobyl, est à retrouver sur notre site et dans nos colonnes jusqu’à mercredi.

Il n’est pas trop tard pour devenir famille d’accueil cet été : 03 21 71 43 19 ou le site internet du Secours populaire, ou le mail contact@spf62.org.

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