Brésil, la présidente Rousseff échoue à bloquer sa procédure de destitution
Au terme de huit heures de délibérations, la majorité des juges du Tribunal suprême brésilien (STF) ont rejeté en pleine nuit un recours présenté jeudi par le défenseur de la dirigeante de gauche qui réclamait l’annulation de la procédure.
Les députés vont donc bien pouvoir entamer vendredi matin une assemblée plénière marathon de trois jours pour statuer sur le sort de la dirigeante de gauche, accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics.
L’opposition devra rallier les deux tiers de vote de la chambre basse (342 sur 513) pour que la destitution de la présidente soit soumise à l’approbation du Sénat.
Dans le cas contraire, la procédure serait automatiquement enterrée et Dilma Rousseff sauverait son mandat.
En cas de vote défavorable des députés, la situation deviendrait extrêmement critique pour Mme Rousseff.
Il suffirait en effet, courant mai, d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour prononcer sa mise en accusation.
Espoir ténu
Elle serait alors écartée du pouvoir pendant un délai maximum de 180 jours dans l’attente d’un jugement final. Le vice-président Michel Temer, qui brigue son fauteuil, assumerait dans l’intervalle ses fonctions et aurait toute latitude pour former un gouvernement de transition.
Mme Rousseff, qui promet de «
lutter jusqu’à la dernière minute
», est confrontée depuis mardi à une cascade de défections au sein de sa coalition.
Sa situation apparaît chaque jour plus critique au fur et à mesure que des partis du centre de sa coalition en lambeaux appellent leurs députés à voter en faveur de sa destitution.
Dilma Rousseff s’accroche à l’espoir ténu d’obtenir dimanche le vote d’un tiers des députés (172 votes) en sa faveur. Cela lui suffirait pour faire avorter la procédure de destitution et ainsi sauver son mandat.
Outre le soutien en bloc des 57 députés de son Parti des travailleurs (PT) et des petits partis d’extrême gauche, elle mise sur la fidélité de certains députés de centre-droit en désaccord avec l’orientation pro-impeachment de leurs formations.
Mais l’opposition affirme déjà pouvoir compter sur plus des 342 requis pour le renvoi de la procédure au Sénat.
« Mur de Berlin »
Une barrière de deux mètres de haut et un kilomètre de long a été érigée par les autorités devant le Congrès des députés pour séparer les manifestants « pro-impeachment » et « anti-putsch » et éviter des affrontements au cours de ce week-end historique. «
Ici c’est le mur de Berlin, côté occidental
», pouvait-on lire sur une pancarte collée du côté de la barrière assignée aux opposants à la présidente.
Jeudi à la nuit tombée, 200 manifestants réclamaient déjà bruyamment la « destitution immédiate » de Mme Rousseff sur l’Esplanade des ministères. Un camion sonorisé chauffait l’ambiance.
À quelques kilomètres de là, un demi-millier de défenseurs de la présidente campaient sous des tentes dans une enceinte sportive voisine du stade Mané Garrincha.
«
Nous sommes déjà 500, mais d’ici la fin de la semaine, nous serons plus de 100.000 pour faire barrage à ce coup d’État
», a déclaré le syndicaliste Paulo Joao Estausia, venu de Sao Paulo.
La présidente de gauche est accusée par l’opposition d’avoir sciemment maquillé les comptes publics par des tours de passe-passe budgétaire pour minimiser l’ampleur des déficits et de la récession économique l’année de sa réélection en 2014 et début 2014.
Mme Rousseff conteste que ces » pédalages « budgétaires pratiqués par ses prédécesseurs constituent un » crime de responsabilité « pouvant motiver sa destitution.
Elle se dit victime d’une tentative de » coup d’État « institutionnel émanant d’une opposition conservatrice n’ayant pas accepté sa défaite électorale de 2014.
Son défenseur, l’avocat général du gouvernement José Eduardo Cardozo avait demandé jeudi au tribunal suprême de » jouer son rôle de gardien de la Constitution, et par conséquent, d’exercer un contrôle sur les abus commis par le pouvoir législatif « .
Il avait en particulier mis en cause l’impartialité du président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, farouche adversaire de Mme Rousseff et membre du parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer, qui assumerait le pouvoir en cas de destitution de la présidente.
Mais la majorité des juges du STF ont estimé que ces arguments ne pourraient être défendus que devant le Sénat, en cas d’ouverture formelle d’un procès de la présidente.
Ce serait alors sûrement trop tard pour Mme Rousseff.
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AFP150636 AVR 16