Les allers-retours de Nicolas Sarkozy sur l’opportunité du référendum
Le Monde
| 28.06.2016 à 11h30
Mis à jour le
28.06.2016 à 11h46
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Par Maxime Vaudano
Nicolas Sarkozy, champion ou adversaire du recours au référendum ‘ La question peut se poser alors que le président des Républicains a proposé, à la suite du « Brexit », une nouvelle consultation populaire afin de créer un nouveau traité.
« Nous pouvons car il faut aller vite avoir un nouveau traité dès la fin de l’année. Chaque pays choisira alors la façon de l’adopter. On n’a jamais tort de s’adresser au peuple souverain. Mais, référendum ou pas, la priorité, c’est d’apporter des réponses aux attentes très concrètes des Européens sur le fonctionnement de l’Union. »
Le même jour, dans un entretien à France 2, il va un cran plus loin :
« Si j’appelle à une refondation de l’Europe, avec un nouveau traité précisant clairement et simplement de nouveaux choix et refusant la technocratie, la question du référendum se posera. » Il ne faut « pas avoir peur du peuple », ajoute-t-il. « Si l’idée européenne, on n’y croit pas, et si elle ne supporte pas l’épreuve du référendum, c’est qu’on fait fausse route. » Selon lui, il faut « utiliser sciemment » la question du référendum.
Voilà quelques jours à peine, il disait pourtant tout l’inverse. Le 17 mai 2016, il s’oppose à l’idée de Bruno Le Maire d’organiser un référendum sur l’Europe :
« Le référendum est un instrument particulièrement utile pour s’assurer de l’accord du peuple souverain. Mais la question doit être binaire, afin que l’on puisse y répondre par oui ou par non. Ainsi la monnaie unique à la place du franc, ainsi le service militaire supprimé ou conservé.
En revanche, je ne crois pas que le référendum soit la meilleure façon de répondre à des questions si complexes portant sur la refondation de l’Europe, qui sont de la compétence de la représentation parlementaire. »
Il réfute aussi les critiques sur le fait qu’il n’ait pas organisé en 2008 de référendum pour approuver le traité de Lisbonne. Pour lui, ce n’est pas à ce moment-là que « l’Europe a rompu le lien avec les peuples ».
M. Sarkozy a, au cours de sa carrière politique, bien souvent varié sur la question. Ainsi, en octobre 2006, juste avant d’entrer en campagne, il critique le recours de Chirac au référendum :
« Je ne suis pas persuadé que faire voter ou adopter par référendum une Constitution de plusieurs centaines d’articles soit la formule la plus adaptée », estime-t-il, en référence au traité constitutionnel européen rejeté par les Français en 2005.
« La fin de toute volonté politique »
En mars 2007, il promet un usage « modeste » du référendum :
« Le quinquennat a beaucoup changé les choses. Il y a la présidentielle, puis les législatives, se profilent ensuite les municipales, les cantonales et les régionales. Croyez-vous que, si je suis élu, je vais aussitôt dire aux Français : Excusez-moi, j’ai besoin de vous demander votre avis sur un autre sujet’ ‘ »
Marquant ainsi clairement son opposition à son adversaire Ségolène Royal, il tacle le concept de « démocratie participative », qui signe « la fin de toute volonté politique », « la fin de la politique qui prend ses responsabilités », « la fin de la démocratie représentative dans le soupçon généralisé » et « la forme ultime de la démagogie », déclarait-il à la fin de mars 2007, lors d’un meeting dans l’Essonne.
En juillet 2007, dans l’un de ses premiers discours en tant que président, il confirme son scepticisme à l’égard du référendum :
« Il y a bien sûr le référendum, que le général de Gaulle concevait comme une question de confiance posée aux Français par le chef de l’Etat, et dont Jacques Chirac a élargi le champ. Mais il me semble que le référendum ne remplit plus ce rôle et que cela ne suffit pas. »
En février 2008, il se justifie d’être passé par le Parlement plutôt que par le référendum pour ratifier le traité de Lisbonne :
« Pour convaincre tous nos partenaires d’accepter ce nouveau traité simplifié que nous leur proposions et qui n’était plus une Constitution, il fallait qu’en cas d’accord nous nous engagions à le faire approuver par voie parlementaire. Si cette condition n’avait pas été remplie, aucun accord n’aurait été possible. »
En 2012, il place le référendum au c’ur de sa campagne pour un second mandat :
« Il y a une idée centrale dans mon projet, c’est redonner la parole au peuple français par le référendum. (‘) Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société, c’est de s’adresser directement au peuple français. »
Il suggère de consulter ainsi les Français sur les droits des chômeurs, et éventuellement le droit de vote des étrangers.
En septembre 2014, candidat à la présidence de l’UMP, il défend de nouveau le référendum
« Je crois qu’il est venu, le temps de nous réapproprier la pratique du référendum. (‘) Quand une partie des élites et certains corps intermédiaires chercheront à monopoliser un débat, alors il ne faudra pas hésiter à en appeler au peuple par l’intermédiaire du référendum. »
Il cite deux réformes sur laquelle les Français pourraient trancher directement : celle du Parlement et celle des collectivités territoriales. Quelques jours plus tard, il précise sa pensée : plusieurs consultations pourraient être organisées « en même temps que le premier tour des élections législatives qui suivront l’élection présidentielle ». « Il faut banaliser’ la procédure référendaire pour la rendre à sa vocation première : permettre au peuple de France de trancher des questions importantes qui concernent son destin. »
Accords et désaccords à droite sur la question du référendum
A l’instar du chef de file de leur mouvement, les personnalités engagées dans la course à la primaire à droite, soucieuses de se distinguer les unes des autres, tentent de distinguer leurs positions, quand elles sont bien souvent peu éloignées.
Ainsi, Alain Juppé jugeait dans les colonnes du Monde lundi 27 juin qu’organiser « un référendum aujourd’hui en France serait totalement irresponsable », tout en restant ouvert à l’idée d’un « référendum européen quand on aura un projet à proposer ».
Bruno Le Maire plaidait en mai pour « un référendum sur le renouveau européen », « dans le courant du quinquennat », qui porterait « sur les modifications des traités nécessaires à de nouvelles orientations européennes ». Un ton jugé trop proche du FN par ses adversaires. Il persiste, après le « Brexit », mais insiste pour rappeler qu’il ne souhaite pas une consultation immédiate sur l’adhésion de la France à l’Union, et souhaite un référendum une fois un projet européen déterminé’ soit une position très proche de celle d’Alain Juppé.
François Fillon, lui, a beau jeu de critiquer les « girouettes » de son camp, bonnes, selon lui, uniquement à « s’agiter sur leurs chaises ». Mais s’il estime que « ceux qui, dès maintenant, réclament un référendum comparable à celui des Britanniques jouent à la roulette russe avec la civilisation européenne », il n’en est pas moins favorable, à plus long terme, à « une nouvelle Europe forgée dans un nouveau traité [qui] serait soumise, en France, à référendum ». Soit une position proche de celle de M. Sarkozy.
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