En RDC majorité et opposition s’entendent sur un accord de sortie de crise

En RDC majorité et opposition s'entendent sur un accord de sortie de crise

L’accord prévoit que le président Joseph Kabila quitte le pouvoir après l’élection présidentielle, qui devrait se tenir fin 2017.

En RDC, les médiateurs de l’Eglise catholique, mobilisés pour trouver une issue à la crise politique, ici dans la capitale Kinshasa le 21 décembre.
Crédits : THOMAS MUKOYA / REUTERS

En 2017, la République démocratique du Congo sera toujours dirigée par Joseph Kabila. Pour quelques mois seulement, jusqu’en décembre. Son premier ministre sera un opposant, un « vrai », validé par l’historique Etienne Tshisekedi. A 85 ans, malade et peu visible, il dirige vaille que vaille le Conseil national de suivi de cette transition d’un an. Les notables de l’opposition, minée par les divisions, savourent ce qu’ils pensent être une co-gestion du pouvoir avec Joseph Kabila. Le pays se prépare à vivre pour la première fois de son histoire une alternance pacifique. Fin 2017, veulent-ils croire, se tiendra en même temps les élections présidentielles, législatives et provinciales.

Ce scénario s’inspire des seize pages de l’accord scellé le 31 décembre 2016 à l’issue d’un dialogue inclusif interminable entre le pouvoir et l’opposition, sous l’égide de l’Eglise catholique. Trois semaines durant lesquelles le pays a été paralysé, retenant son souffle, comptant ses morts, une quarantaine selon l’ONU entre le 19 et le 20 décembre. Selon la Constitution, le dernier mandat de Joseph Kabila s’achevait le 19 décembre à 23 h 59. Mais le président taiseux âgé de 45 ans s’offre un an de plus.

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Mesquineries politiques

A la tête du plus grand pays francophone d’Afrique depuis l’assassinat de son père en 2001, il ne pourra cette fois, assure la conférence épiscopale, ni briguer un troisième mandat, ni réviser la Constitution qui le lui interdit. Les opposants y veilleront, eux qui convoitent le pouvoir depuis plus d’une décennie, sans pour autant, jusqu’ici, représenter aux yeux de la population une véritable alternative politique. Alors, samedi 31 décembre, les négociateurs du pouvoir et de l’opposition ont trinqué à ce partage du pouvoir dans les étages du centre interdiocésain de Kinshasa.

La signature de cet accord a été maintes fois reportée, au grand dam des évêques, dont certains ont dû annuler leur vol pour célébrer le réveillon dans leurs paroisses respectives, et de diplomates lassés par cette drôle de comédie politique. Les négociations et les mesquineries politiques ont duré toute la journée, jusqu’à la tombée de la nuit. Les politiciens ont pinaillé sur des formules, s’éternisant des heures sur quelques mots, revenant sur des points déjà négociés. De quoi entretenir le suspens et faire monter la pression.

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« On patauge mais ça peut encore capoter, lâchait dans la matinée le fils du vieil opposant, Félix Tshisekedi qui, bien que contesté dans son propre camp, a été l’un des négociateurs. Mais la tenue des trois scrutins avant la fin 2017, c’est possible ».

Pourtant les experts de la Commission électorale nationale indépendante, conviés à trois reprises durant ce dialogue, affirment le contraire. Diplomates et fonctionnaires de l’ONU ne peuvent retenir une moue sceptique à ce sujet. Seuls quelques barons de l’opposition font semblant d’y croire. « La majorité présidentielle a tenu à l’organisation des trois élections à la fois. On va faire ce qui est peut-être faisable, la présidentielle et les législatives, ce sera déjà bien », nuance Christopher Ngoyi, l’un des fers de lance de la lutte anti-troisième mandat.

Un accord imparfait

De son côté, le discret Henri Nkulu, officiellement ambassadeur de RDC à Kigali, au Rwanda et éminence grise du président Kabila, man’uvre. En bon juriste, cet artisan du « glissement » – le terme utilisé en RDC pour parler de la violation des délais constitutionnels et du maintien au pouvoir de Joseph Kabila – mène les négociations. « On a cédé sur la Primature et si l’opposition fait preuve de sagesse et de raison, cet accord devrait définir les contours d’une transition », estime-t-il.

Très proche du Pape, le nonce apostolique, Luis Mariano Montemayor, a menacé à la mi-journée d’un retrait de l’Eglise : « Les responsables politiques doivent prendre leurs responsabilités et ne pas retenir la population en otage ». Des mots faisaient écho à ceux de ces femmes dignes et silencieuses, assises sur des chaises en plastique avec des pancartes sur lesquelles étaient écrites à la main : « pas d’accord, pas de sortie ». Elles finiront par se faire évacuer par des policiers gênés.

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L’émissaire du Vatican reste toutefois prudent sur la portée de l’accord, comme s’il était convaincu que cette avancée notable n’était qu’un nouveau début : « L’accord ne sera pas la fin de tous les problèmes. Il faut préparer les élections. On a au moins un cadre juridique qui n’existait pas jusque-là vu que la Constitution dit que le président a fin son deuxième mandat. Quelle était la légitimité de ce gouvernement sans consensus inclusif ‘ Les nations sont souveraines et certains auraient pu décider de ne pas le reconnaître. Or, le pays a besoin de l’aide internationale qu’elle n’aura pas s’il y a des doutes sur la légitimité du gouvernement ».

L’accord signé samedi dans la soirée reste imparfait et inachevé. « C’est plutôt un partage du gâteau du pouvoir », persifle un diplomate. Un compromis obtenu au forceps, au dernier moment, car nul n’a voulu prendre le risque d’endosser la responsabilité d’un embrasement populaire.

Des points de blocage

De nombreux points sont laissés en suspens, remis à plus tard. « Dès le début la semaine prochaine », assure la Conférence épiscopale, anxieuse de régler les derniers différends. Il en va ainsi du chronogramme d’application de l’accord ou des délais de prise de fonction du futur premier ministre, dont le nom sera soumis par l’opposition au chef d’Etat qui le désignera.

Quid de la composition du prochain gouvernement d’union nationale et de la répartition des ministères ‘ Quant aux mécanismes de fonctionnement du Conseil national de suivi de la transition, présenté comme une institution clef, il reste à être discuté. Le dernier point de blocage, à savoir la libération de prisonniers politiques et le retour d’opposants exilés, n’a pas été vraiment tranché. Il reviendra aux évêques de traiter plusieurs dossiers sensibles, comme celui de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle, banni du pays à cause d’une condamnation judiciaire, et de soumettre des propositions au chef d’Etat. « On va se mettre au travail dès les premiers jours de 2017, dit l’abbé Donatien Nshole, épuisé par la longévité des négociations. Il faut beaucoup de patience pour traiter avec les politiques ».

Samedi au centre interdiocésain, nul n’est capable de dire quand l’accord entrera en vigueur. Mais Kinshasa paraît apaisée, soulagée. Les évêques ont toutefois mis en garde les politiciens : il va désormais falloir expliquer et faire accepter cet accord au peuple. A commencer par les quartiers défavorisés des grandes villes. Réprimés par les forces de sécurité, les jeunes ont tenté d’exprimer leur colère visant Joseph Kabila et plus largement à l’encontre de cette classe politique, ayant le sentiment d’être instrumentalisés, sacrifiés, oubliés.

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