Rugby , Pierre Camou président de la Fédération fait face aux accusations et défend son bilan

Rugby , Pierre Camou président de la Fédération fait face aux accusations et défend son bilan

Pierre Camou brigue un troisième mandat à la tête de la Fédération française de rugby. Dans un entretien au « Monde », il revient sur sa candidature et sur l’affaire de la double billetterie qui éclabousse la FFR.

Le Monde
| 25.11.2016 à 09h37
Mis à jour le
25.11.2016 à 14h46
|

Propos recueillis par Adrien Pécout et
Boris Teillet

Contesté, le Basque aura deux concurrents lors de l’élection du week-end ­suivant, le 3 décembre : Alain Doucet, ex-secrétaire général de la « fédé », et surtout Bernard Laporte, ancien sélectionneur du XV de France, par ailleurs secrétaire d’Etat aux sports (2007-2009) durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

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Pierre Camou se défend également de toute faute après les révélations du site Mediapart, le 18 novembre mettant en cause son vice-président, Bernard ­Godet, accusé d’avoir détourné de l’argent grâce à un système frauduleux de « double billetterie ».

En pleine primaire de la droite, ­pourquoi faudrait-il s’intéresser à l’élection à la FFR

Cette élection peut paraître fondamentale parce qu’elle oppose deux ­visions du sport, deux visions de la ­société. Moi, je représente celle où les clubs ont un rôle à jouer dans la société. Tous. Pas seulement ceux de haut ­niveau. Je suis là pour prendre un ­enfant par la main et essayer d’en faire un homme. C’est ma conviction première. Je ne veux laisser personne au bord de la route. Je tiens à l’individu.

Bernard Laporte a fait des ­photos ces temps-ci. Des collectors ! Je doute que les clubs visités le reverront de sitôt maintenant que le photographe est parti’

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Et quelle vision représente Bernard Laporte, votre principal adversaire ‘

Sa conception est plus mercantile. Je connais à peu près l’homme. Je ne l’ai jamais vu s’occuper d’un club amateur, quel qu’il soit, sous une fonction ­quelconque. Au lieu de ça, je l’ai plutôt entendu utiliser des radios pour parler de lui et du rugby. Je l’ai toujours vu évoluer dans le monde du rugby professionnel. Du côté de celui qui touche. Pas de celui qui donne. Mais, pour aimer, il faut savoir donner.

Quelle légitimité auriez-vous ­en matière de rugby amateur ‘

Je vis à Marcoussis dans une chambre du Centre national de rugby. Vous pouvez la voir, si vous le voulez. Mais le week-end, je « fais » des terrains. Un ­sacerdoce depuis huit ans. Je ne suis pas sûr que M. le secrétaire général [Alain Doucet, qui a quitté cette fonction cette année pour se présenter à l’élection] en ait vu le tiers en seize ans’

Et Bernard Laporte, combien de ­terrains de clubs amateurs a-t-il vu ‘

Posez-lui la question. Il a fait des ­photos ces temps-ci. Des collectors ! Je doute que les clubs visités le reverront de sitôt maintenant que le photographe est parti’

M. Laporte, consultant sur RMC, a comparé la FFR au régime de ­la Corée du Nord. Pourquoi si peu de réponses médiatiques de votre part à ses attaques ‘

C’est mon tempérament, j’essaie de ne pas m’abaisser. Peut-être que je ne suis pas de ce monde-là, un monde ­politique politicien où tout argument fallacieux est utilisé. Je trouve cela très bien qu’il y ait d’autres candidats face à moi. Je regrette qu’il n’y ait jamais eu un débat de fond mais des invectives.Quand on entend des propos de cette violence et de cette vulgarité, quand on attaque les êtres, je ne peux pas le ­supporter.

Le 18 novembre, le site « Mediapart » a mis en cause la FFR de façon plus sérieuse, et donc vous-même indirectement. Votre vice-président, Bernard Godet, a été accusé d’avoir détourné de l’argent grâce à un système frauduleux de « double billetterie »’

Le deuxième article de Mediapart produit une lettre et dit que j’étais obligé d’être au courant. Or, la lettre est datée de 2005. Je sais bien qu’étant président actuellement je dois endosser tous les péchés du monde, mais je n’étais ni président ni secrétaire général de la Fédération à ce moment-là. D’accord, j’ai hérité des cent ans d’histoire de cette institution. Ce n’est pas pour autant que je suis responsable de cent ans d’histoire. J’étais à l’époque responsable du Centre national de rugby.

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Dès le lendemain, vous démentiez l’article. Au surlendemain, Bernard Godet a malgré tout présenté sa ­démission. Comment l’interpréter ‘

Peut-être qu’il le fait pour avoir sa ­liberté individuelle et pouvoir déposer plainte. Je le soutiens. Quand quelqu’un est dans la peine, je lui passe un coup de fil. Après je ne m’occupe pas de ses ­affaires personnelles. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants. Je pense qu’il veut laver son honneur et ne pas mettre la Fédération en danger.

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Le 28 octobre, autre dossier : l’association Callisto XV, qui réunit professionnels du bâtiment ­et anciens rugbymen, a déposé plainte contre vous pour « détournement de fonds publics, abus de ­confiance et escroquerie ». En cause : votre projet de construire un « grand stade » à Ris-Orangis, dans l’Essonne’

J’ai déposé plainte contre Callisto la ­semaine dernière pour dénonciation ­calomnieuse. Il faut me montrer quels fonds publics j’ai pris, qu’ils le démontrent. Le stade n’est pas commencé. Et s’il pense à des subventions, de quelles subventions parlent-ils ‘

Quelle nécessité aurait ce stade ­estimé à 600 millions d’euros ‘

Trouver des mesures pérennes de ­financement pour le rugby français. Si je regarde le monde dans lequel nous vivons, le sport français est toujours à tendre la main à l’Etat. Mais l’Etat n’a pas d’argent. Les régions n’ont pas ­d’argent. Et si je prends les partenariats que nous avons, ils ne peuvent pas augmenter ad vitam aeternam les droits ­télévisuels non plus. Il y a un plafond. Donc, comment on fait ‘ Il faut bien se créer d’autres sources de revenus’ Cela dit, le stade n’est pas l’objet de la ­campagne. Et ce n’est pas moi qui décide. Le projet de stade sera soumis au vote des clubs.

Entre celles de la billetterie et du « grand stade », comment vivez-vous ces deux polémiques à quelques jours de l’élection ‘

J’y vois un tempo électoral, des raisons électorales. J’ai l’impression d’être celui qu’il faut tuer, parce qu’il gêne en portant une morale, une éthique. Ils sont nombreux à m’en vouloir. Et prêts à utiliser n’importe quel moyen. Qu’on le veuille ou non, par exemple, Callisto est le bras armé d’un candidat.

Pour quelles raisons gêneriez-vous ‘

Peut-être que certains veulent revenir à des errements antérieurs. A mon ­arrivée [à la présidence de la FFR], j’ai tout internalisé. Nos services marketing s’occupent de tout en direct. Sans intermédiaire ni commissions à verser. On a tout professionnalisé. Ça n’a pas été simple immédiatement parce que nous étions soi-disant incapables. Mais on l’a fait.

Sur le plan sportif, vos détracteurs ­associent votre mandat à l’un des échecs les plus cinglants du rugby français : ce quart de finale contre la Nouvelle-Zélande perdu 62-13, au Mondial 2015′

J’étais déjà là en 2011 et je crois que j’étais déjà président’ Cette année-là, on était allé jusqu’en finale de la Coupe du monde, perdue d’un point [déjà ­contre les Néo-Zélandais]. Dans la foulée de cette finale, je crois avoir organisé les assises du rugby français. Puis j’ai sorti un Livre blanc pour constater que nos maux existaient déjà. Mais il a fallu ce traumatisme de 2015 pour qu’enfin les différentes strates du rugby, surtout les professionnels, prennent conscience de la situation.

C’est-à-dire ‘

On me critique sur nos écoles de rugby, mais les gamins qui ont 25 ans aujourd’hui, ils les ont fréquentées en 2000. Je n’étais pas président à ­l’époque ! Moi, à partir de 2008, j’ai ­remis à plat toute la formation. J’ai eu le courage de tout réformer. Mais il faut attendre pour avoir des résultats. Les gamins formés à ce moment-là, on les verra à l »uvre dans cinq ans, dix ans’

Bernard Laporte et Alain Doucet, les autres prétendants à la présidence de la FFR

Parce que le rugby français compte quelque 1 900 clubs, et donc autant de voix à attribuer lors de l’élection fédérale, ­Bernard Laporte a lancé sa campagne et son site Internet il y a un an déjà. Depuis, à chaque mois son lot de déplacements dans l’Ovalie d’en bas, celle des clubs amateurs. Le bihebdomadaire Midi olympique ­le considère comme le favori ­« surprise », après une enquête lui prêtant 35 % d’intentions de vote, le 24 octobre.

De son côté, Alain Doucet l’a imité à partir de septembre 2016 et a quitté ses fonctions de ­secrétaire général de la Fédération pour se présenter lui aussi. Le « petit Doucet », tel qu’il se ­désigne, partage le même ­leitmotiv que Laporte : annuler le projet du « grand stade »  trop dispendieux selon eux ‘ censé, selon les souhaits de Pierre Camou, accueillir à l’avenir tous les matchs du XV de France, à Ris-Orangis (Essonne).

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