Euro 2016 , tout va-t-il vraiment mieux quand la France gagne au football ‘

Euro 2016 , tout va-t-il vraiment mieux quand la France gagne au football '

Le Monde
| 09.07.2016 à 09h02
Mis à jour le
10.07.2016 à 08h24
|

Par Adrien Sénécat et
Solène Cordier

Malheur aux vaincus, prospérité aux vainqueurs ‘ Dix-huit ans après, le sacre des Bleus à la Coupe du monde 1998 laisse dans l’imaginaire collectif le souvenir d’un événement qui avait entraîné une dynamique positive pour le pays, et aussi pour son président de l’époque, Jacques Chirac. Cette croyance est-elle fondée ‘ Est-ce que cela ira vraiment « mieux » en cas de victoire des hommes de Didier Deschamps face au Portugal dimanche 10 juillet ‘ Eléments de réponse.

Les présidents profitent peu des épopées des Bleus

« Une victoire le 10 juillet, c’est la liesse populaire et les Champs-Elysées envahis. L’Euro peut être un des accélérateurs du ça va mieux’ », confiait le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, au Monde avant l’ouverture de l’Euro 2016. Tout en reconnaissant qu’il ne fallait pas s’attendre à un bond de la popularité de François Hollande. « Ce serait une erreur totale de vouloir faire de la récupération politique, personne ne considérant que c’est le président qui joue numéro 10. »

Si l’on regarde les précédents triomphes français en football, ont s’aperçoit qu’il n’y a qu’en 1998 que la cote de popularité de l’exécutif en a réellement bénéficié. Et encore, sur le court terme seulement. Les différents instituts de sondage s’accordent pour montrer qu’entre mai et août, Jacques Chirac et Lionel Jospin ont tous deux gagné quelques points de confiance dans les sondages (respectivement entre 11 et 13 selon le baromètre CSA). Sauf que le soufflé était rapidement retombé (respectivement 7 et 11 points de baisse entre août et octobre, selon le même baromètre).

« Les effets de la victoire de 1998 sur la popularité de Jacques Chirac sont réels, mais ils s’inscrivent dans un contexte différent de celui d’aujourd’hui. A la fois parce qu’il s’agissait d’un événement sportif de plus grande ampleur et parce qu’on était en période de cohabitation, ce qui peut être bénéfique pour la popularité du chef de l’Etat », analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinions de l’IFOP.

Au vu de la situation actuelle, qui se caractérise par un climat sécuritaire dégradé avec les attentats et des conflits sociaux très durs autour de la loi travail, Manuel Valls et François Hollande risquent de ne pas bénéficier d’une éventuelle victoire dimanche face au Portugal. « L’effet d’une victoire de l’Euro, s’il existe, sera passager. Assez rapidement, l’exécutif sera ramené à ses responsabilités et à la dure réalité », estime M. Fourquet.

Croissance : le miracle n’a pas eu lieu

Là encore, mieux vaut rester prudent sur les effets d’une éventuelle victoire. Si certaines études réalisées après la Coupe du monde 1998 affirment que la victoire des Bleus a pu amener un surplus de croissance de 0,3 à 0,7 point, d’autres concluent au contraire qu’il n’y a pas vraiment eu « d’effet Bleus », rappelle le professeur d’économie Jean-Pascal Gayant sur son blog. A l’inverse, une contre-performance dans une grande compétition pourrait avoir des effets négatifs.

Sauf que ces calculs ont leurs limites. L’étude Soccernomics réalisées par la banque ABN Amro en 2006 concluait ainsi qu’un pays vainqueur de la Coupe du monde « profite d’un bonus économique moyen de 0,7 % de croissance additionnelle » sur un an. Mais ce résultat a été obtenu en comparant la croissance effective avec celle de l’année précédente, ce qui ne nous dit pas quel a été l’apport du trophée en lui-même sur l’économie.

Si l’on regarde les chiffres de la croissance par trimestre de la France, en comparaison avec le reste de la zone euro, on s’aperçoit que 1998 est plutôt un bon cru. Sauf que le troisième trimestre, qui a vu les Bleus d’Aimé Jacquet triompher, est le moins bon de l’année pour la France’ alors qu’il est le meilleur des quatre pour la zone euro dans son ensemble. De même, la croissance était à l’un de ses niveaux les plus faibles de la période 1997-2001 au moment de la victoire à l’Euro 2000.

Certains secteurs (restauration, vente de téléviseurs, billetteries des stades’) peuvent temporairement bénéficier d’une dynamique, mais les effets à long terme sur l’ensemble de l’économie d’un pays restent à démontrer. « En cas de victoire, il se peut que cela ait un impact à court terme sur la croissance. Mais seul un surcroît de confiance des entrepreneurs et des investisseurs peut conduire à une véritable embellie économique », estime Jean-Pascal Gayant.

Le moral des ménages n’en profite pas vraiment non plus

L’indicateur de confiance des ménages calculé par l’Insee va dans le même sens. En 1998 comme en 2000, les trophées remportés par la génération Zidane n’ont pas engendré de sentiment d’euphorie durable. On constate un léger bon de juin à septembre, vite compensé par une baisse équivalente.

On peut tout de même prédire un vainqueur avant même de connaître le résultat de la finale : M6, qui la retransmettra en direct, peut logiquement tabler sur une audience encore plus forte que la demi-finale Allemagne-France sur TF1 (19,2 millions). Ce qui en ferait vraisemblablement le programme le plus regardé de l’année, et éventuellement de l’histoire de la télévision française, devant France-Portugal (22,2 millions) et France-Italie (22,1 millions) lors de la Coupe du monde 2006.

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