La magie des Rolling Stones réconcilie Cuba avec le rock lors d’un concert historique (VIDÉOS)
«
Nous savons qu’il fut un temps où il était difficile d’écouter notre musique à Cuba, mais nous sommes ici (‘) Je pense que finalement les temps changent, n’est-ce pas
», a interpellé Mick Jagger en espagnol, à l’ouverture de ce show gratuit sans précédent dans la Cité sportive de la Havane. Devant un public conquis d’emblée, les inoxydables papys du rock ont d’abord déballé l’artillerie lourde, avec le remuant Jumpin’ Jack Flash, avant d’enchaîner avec l’hymne It’s Only Rock n Roll (« C’est juste du Rock n Roll »), comme pour rassurer les autorités cubaines sur cette musique autrefois considérée comme l’instrument de l’impérialisme américain.
Le chanteur, chemise bordeaux et veste à paillettes multicolore, a fait vibrer les fans par son habituel jeu de scène, toujours aussi tonique malgré ses 72 ans. Accompagné de ses compères Keith Richards, Ronnie Wood, Charlie Watts, et par le bassiste Darryl Jones, Mick Jagger a déroulé dix-huit des plus grands classiques du groupe tels que Sympathy for the devil, Angie, Paint it black et le très attendu Satisfaction pour conclure.
Enfin un « vrai » concert
«
C’est fantastique ! Et quand ces rockeurs anglais parlent espagnol pour le peuple cubain,c’est encore meilleur. Il y a beaucoup de changements et d’autres vont suivre
», s’emportait Marben Mora, 30 ans, trois jours après la visite historique du président américain Barack Obama. Couples d’âge mûr, familles, touristes et beaucoup de jeunes : une foule hétéroclite s’était massée dans la « Cuidad deportiva », enceinte située près du centre-ville, qui était déjà aux trois quarts pleine plusieurs heures avant l’arrivée des Britanniques sur scène.
La fête fut totale, et aucun incident notable n’a été relevé par les autorités qui avaient placé l’événement sous la garde de nombreux policiers en uniforme et en civil. Des milliers de retardataires sont restés bloqués dans les rues alentour, mais ils ont tout de même pu profiter des pépites jouées par le groupe, clairement audibles plus d’un kilomètre à la ronde. D’ailleurs, les toits du quartier environnant la « Cuidad deportiva » étaient remplis de curieux profitant d’un point de vue exceptionnel sur le site.
Après le concert, Abel Perez résumait le sentiment de beaucoup, aux yeux desquels ce concert représentait le début d’une nouvelle ère sur l’île, celle de l’ouverture. «
C’est le premier vrai concert de l’histoire de Cuba. C’était merveilleux. Je suis un rockeur depuis toujours, et ici tout était interdit. C’est clair, les chemins s’ouvrent, et le rock participe de cette ouverture
», affirme cet artisan de 40 ans aux cheveux longs. Arturo Noriega, fan venu des États-Unis, était aussi aux anges : «
C’est l’une des plus grandes expériences de ma vie.
» Ce show exceptionnel avait été ajouté in extremis à la tournée « America Latina Olé » des Londoniens.
« Tout est en train de changer »
La vente d’alcool était interdite dans un large rayon autour du concert, mais certains avaient manifestement prévu de quoi tenir quelques heures. «
Je n’ai jamais imaginé que je pourrais les voir ici, vraiment pas, j’espère qu’ils vont vivre 200 ans !
», rigolait au sujet des rockeurs septuagénaires Alexander Chacon, jardinier. Une scène de 80 mètres de long et sept écrans géants avaient été installés dans la Cuidad deportiva, complexe inauguré avant la révolution castriste de 1959, point de départ du bannissement de la musique rock à Cuba.
Avant les années 1980, beaucoup de Cubains se rappellent qu’ils devaient écouter les Rolling Stones, fondés en 1962, à partir de bandes magnétiques et de cassettes audio échangées sous le manteau. Au cours des 30 dernières années, ce genre musical a progressivement été toléré jusqu’à s’imposer dans les médias d’État. Et malgré l’embargo, quelques musiciens américains ont pu se produire sur le sol cubain, comme Billy Joel en 1979, Audioslave en 2005 et Kool and The Gang en 2009.
«
La scène nous a surpris. On n’avait jamais vu une telle technologie ici (.) Tout est en train de changer, (ce concert) signifie que tout est en train de changer
», assurait Leonardo Perez, chauffeur de taxi de 56 ans. «
Nous avons vécu l’époque de la prohibition. C’était interdit. Tout a changé. On pense que Cuba ne sera plus jamais comme avant
», abondait Iramis Mendez, femme au foyer de 53 ans. Historique.