Malaise de la justice en métropole lilloise , l’accompagnement social des condamnés en crise lui aussi
«
On devrait peut-être faire comme les surveillants, bloquer l’accès aux maisons d’arrêt !
» La remarque est à peine ironique. Depuis début mars, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) sont en action. À l’appel de la CFDT, du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP) et de la CGT, ces fonctionnaires tiennent à faire part de leur ras-le-bol de leur «
qualité d’invisibles
».
«
Nous agissons également en détention, précise Alexandra Dulche, de la CGT Justice. Mais, faute d’effectifs, nous ne nous concentrons que sur les cas les plus difficiles. Un jour, un détenu m’a balancé : » Pour vous voir, il faut commettre des conneries ! » »
Besoin de moyens
«
Nous sommes avant tout des travailleurs sociaux, insiste Myriam Pellerin, également de la CGT. Pour réussir, nous avons tout simplement besoin de moyens.
» Pour le syndicat, l’ensemble des services pénitentiaires d’insertion et de probation du Nord comptent 186 conseillers. Un effectif largement insuffisant, selon la CGT. «
Pour l’antenne de Lille, cela fait une quarantaine de personnes, relève Tarik Doumene, également CPIP syndicaliste. Cela donne 120 dossiers chacun. Les recommandations européennes sont de 70 personnes.
»
«
Les SPIP (services) sont facilement montrés du doigt au moment de dossiers très médiatiques, reprend Myriam Pellerin. Quand des personnes censées être suivies commettent des crimes. Il faut tout de même savoir que l’immense majorité des personnes dont s’occupent les CPIP ne récidivent jamais. Encore faut-il avoir les moyens de les suivre.
»
Les conditions salariales aussi pointées du doigt
Les protestataires rejoignent aussi les critiques d’autres acteurs de justice en butte à des problèmes de moyens. Pénurie de ramettes de papier, bureaux condamnés faute d’ampoule, fontaines à eau supprimées… Le portrait fait peine à entendre. L’organisation du travail et les conditions salariales sont également pointées du doigt. Avec des craintes de rencontres encore plus courtes avec les justiciables et des salaires à géométrie variable selon les conseillers.
Prochaines actions : un rassemblement vendredi midi au Nouveau Siècle et une action nationale le 10 mai à Paris. Même si le ministère annonce des efforts (lire ci-dessous
).
Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) sont en charge des personnes condamnées à de la détention sans incarcération immédiate ou encore soumise à du sursis avec mise à l’épreuve (c’est-à-dire avec des conditions à respecter comme l’obligation de soins sous peine d’incarcération).
1 000 postes créés, selon Alain Jego
Alain Jego est le directeur inter-régional des services pénitentiaires.
Comment réagissez-vous au mouvement de grogne des conseillers d’insertion et de prévention
« À la conférence de consensus de fin 2014, Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, a annoncé la création de 1 000 emplois dans les SPIP. Soit une hausse de 25 % des effectifs. Il s’agit de créations de postes qui s’ajouteront aux remplacements des départs en retraite. Ces arrivées s’échelonneront sur trois années : 2015, 2016, 2017. Nous avons déjà eu une première vague. Mille postes, ce n’est pas négligeable. »
Cela concerne toute la France. Qu’en est-il pour l’antenne de Lille
« En milieu ouvert, un CPIP prend en charge de 75 à 80 personnes, pour 70 en milieu fermé (détention). Ces chiffres valent sur le plan national comme local. »
Les syndicats évoquent 120 personnes par conseiller…
« Non. il ne faut pas tout exagérer. Ce n’est pas la réalité. »
Et la question des moyens
« Chaque antenne est dotée. Après, il faut s’organiser par rapport aux permanences. »
Les CPIP se battent aussi pour leur statut et leur rémunération…
« À l’automne dernier, les personnels de surveillance ont obtenu une revalorisation indemnitaire. Ils représentent environ 30 000 personnes. C’est le gros des bataillons. Les autres services ont suivi. Des négociations se tiennent actuellement. Les représentants des SPIP ont été reçus par le Garde des Sceaux. Les revendications de l’intersyndicale concernent surtout l’indiciaire et le statutaire. Si le ministre peut leur donner satisfaction, ce sera très bien. »